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il se contenta d’organiser un service et une école d’enfans idiots dans l’hospice de la rue de Sèvres.

C’est là seulement qu’on peut aujourd’hui chercher des résultats. Le 1er octobre 1841, le conseil général des hospices adjoignit au docteur Voisin, pour instruire les jeunes idiots de l’hospice des Incurables, un homme actif et remuant, M. Édouard Séguin. Ce nouveau maître se pénétra des précédens travaux qui formaient, comme nous venons de le voir, la chaîne de la tradition scientifique. A Itard il emprunta l’idée d’une éducation des sens, à M. Esquirol la nature des observations qu’il convient de faire sur les malades de l’intelligence, à M. Leuret les grandes et sévères leçons du traitement moral. Il y ajouta un esprit inventif dans les moyens et une volonté tenace. Les premiers essais qu’il tenta sur les idiots de l’hospice des Incurables firent assez bien augurer de ses talens et de sa méthode. Il réussit, après cinq ou six mois, à régler leurs mouvemens, à créer ou à développer chez quelques-uns l’articulation de la parole, à leur donner des notions, bien bornées sans doute, de la couleur, du nombre et de l’écriture. Soustraits aux malignes influences de l’oisiveté et de la solitude, ces enfans consacrèrent à quelques travaux manuels les heures qu’ils passaient loin de la classe. S’ils n’étaient pas encore utiles, ils avaient du moins le désir de l’être. Leur caractère moral se perfectionna ; ils devinrent plus soumis, plus affectueux. Cette expérience n’ajouta aucun résultat nouveau à ceux qu’avait déjà recueillis la science ; mais elle donna aux médecins plus de confiance vis-à-vis des redoutables obstacles qu’il s’agissait de vaincre. On dut reconnaître que l’idiotisme ne présentait pas cette immobilité dans le néant dont on l’avait cru frappé. Si les élèves de l’hospice des Incurables avaient fait quelques progrès grace à une éducation de courte durée, il était raisonnable d’espérer de plus grands résultats dans l’avenir.

En 1842, le conseil général des hospices, cédant aux instances éclairées des deux médecins en chef de Bicêtre, MM. Voisin et Leuret, qui réclamaient depuis long-temps le bienfait d’une éducation particulière au nom d’une classe de malades presque oubliée jusque-là dans cet établissement public, autorisa la fondation d’une école pour les jeunes idiots. A raison de ses heureux précédens, M. Édouard Séguin y fut installé avec le titre d’instituteur. Je visitai cette école en 1843. Ma première impression fut alors toute favorable à M. Séguin et à sa méthode. Les leçons auxquelles j’assistai me parurent ingénieusement conduites. Je vis les enfans se livrer avec assez d’ardeur à des exercices gymnastiques, répéter sous le commandement de leur maître des mouvemens et des gestes qui développaient chez eux l’instinct imitateur, assembler des lettres de plomb pour former ou épeler des mots, dire le nom de quelques figures géométriques, mesurer à l’œil les longueurs sur des morceaux de bois,