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repose le préjugé défavorable à la propagation des cotons algériens. Nous n’avons pas tardé à nous convaincre que, si le traitement agricole du cotonnier est simple et généralement connu, il n’en est pas de même de son économie industrielle ; que les notions précises sur le coût de la production, le rendement, les chances mercantiles, manquaient non-seulement aux colons algériens, mais aux agronomes de profession et aux statisticiens commerciaux.

Pour arriver à un aperçu décisif, il nous a fallu décomposer l’opération en estimant, d’une part, le nombre des journées de travail, et d’autre part la récolte qu’il est raisonnable d’espérer. Suivant nos calculs, un hectare, préalablement défriché, demanderait en travaux divers, depuis les labours jusqu’à l’emballage du coton égrené, 22 journées d’hommes, 20 journées de femmes, 30 journées d’enfans, soit 72 journées à différens prix, représentant en total 40 journées d’adultes à 2 francs 50 cent. Ajouter 25 francs pour l’usage des outils, les graines, les fumiers, les charrois et frais éventuels, ce serait beaucoup. À ce compte, le produit d’un hectare planté en coton occasionnerait un déboursé d’environ 425 francs[1]. Nous ferons remarquer que les cotonniers vivaces, étant plantés à deux ou trois mètres de distance, laissent disponibles pour d’autres cultures le tiers environ de la superficie qui leur est consacrée. On cultive dans les interlignes des légumes, des racines ou même du maïs, suivant l’espace et la hauteur des arbustes. Qu’on ajoute donc pour le travail de ces complantations une somme de 25 francs en semences et main-d’œuvre, et le déboursé total, pour chaque hectare, sera porté à 150 francs. L’évaluation de rendement doit être faite avec beaucoup de réserve, si l’on veut éviter les déceptions. On compte une quarantaine de variétés, plus ou moins productives, plus ou moins capricieuses ; celles auxquelles le commerce attache le plus haut prix, le coton jumel d’Égypte et les longues-soies de Géorgie, paraissent, suivant M. Moll, les plus favorables à l’Algérie. Le rendement moyen en Amérique est d’une balle par acre, soit environ 375 kilogrammes par hectare ; cette mesure est souvent dépassée. « De la manière dont les Arabes cultivent le cotonnier, dit M. Bové, qui a été directeur des cultures d’Ibrahim-Pacha au Caire, un feddan[2] ne rapporte qu’environ un quintal métrique de coton égrené ; mais le même espace de terrain, quand il est bien cultivé, en peut produire de

  1. D’après les essais faits à Alger dans les jardins du gouvernement, le prix de revient par hectare a été coté à 155 fr. pour une récolte de 200 kilogrammes de coton nettoyé, soit 77 cent. et demi le kilogramme ; mais les premières expériences exécutées sur une petite échelle ne peuvent pas faire loi pour une grande entreprise, travaillant avec précision et économie.
  2. Le feddan légal représentait autrefois 5,929 mètres carrés ; mais, le pacha en ayant réduit la contenance pour augmenter l’impôt, il n’est plus aujourd’hui que de 4,417 mètres carrés. Nous ne savons pas si l’appréciation de M. Bové se rapporte à l’ancienne ou la nouvelle mesure.