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À ce compte de 1,500,000 francs, un domaine défriché, bâti et garni de tous les instrumens du travail, serait acheté à raison de 500 francs l’hectare.

Le principe commercial que nous avons posé simplifiera beaucoup L’exploitation. Consacrer un tiers des meilleures terres aux cultures qui doivent fournir le produit d’exportation, n’ensemencer en céréales qu’une superficie en rapport avec les besoins locaux, utiliser tout le reste du domaine de manière à multiplier autant que possible le bétail et l’engrais, telle est la méthode la plus conforme aux conditions de l’agriculture algérienne. Pour un centre de population tel que celui que nous avons en vue, 300 hectares doivent fournir amplement la quantité de grains nécessaire ; peut-être que les stimulans inconnus aux indigènes, le remuement profond de la terre, les assolemens, les fumures, l’arrosage, augmenteront dans une proportion inespérée le rendement des champs et des prairies ; alors le meilleur moyen d’accroître le revenu en argent sera de rétrécir l’espace consacré aux plantes alimentaires au profit des cultures commerciales. M. le général Bedeau pense, comme nous, que la spéculation doit s’établir principalement sur les cultures industrielles ; mais il dépasse le but en condamnant d’une manière absolue la production du blé. « L’Européen, dit-il, ne peut pas essayer de faire concurrence à ce travail ; le prix de revient des céréales produites par lui serait toujours plus élevé que les mercuriales d’aucun des marchés africains. » Exprimée en ces termes, l’assertion cesse d’être exacte. Sur un espace déterminé, le cultivateur civilisé produira à bien meilleur marché que le laboureur sauvage ; ce qui fait la supériorité apparente de celui-ci, c’est qu’il opère sur une étendue à peu, près illimitée. Pour obtenir 100 hectolitres par année, il faudra que l’Européen possesseur de 20 hectares consacre aux céréales un tiers seulement de son domaine, dont le reste sera d’ailleurs utilisé. L’Arabe n’arrivera au même résultat qu’en stérilisant au moins 40 hectares, parce qu’il ne récolte qu’à la condition de laisser les trois quarts des terres au repos absolu pendant plusieurs années, de sorte qu’en appréciant le prix de revient suivant les notions européennes, c’est-à-dire d’après l’étendue consacrée à la culture, le blé arabe coûterait quatre fois plus. Nous regrettons que M. le général Bedeau n’ait pas appuyé par des calculs agronomiques le conseil qu’il donne aux colons d’abandonner aux indigènes les deux tiers de leurs propriétés, et de s’en rapporter à eux pour la production des grains. « Si l’on admet, a-t-il dit, que chaque lot de terre se compose de 30 hectares, dont 10 propres au travail européen, les 20 autres seront cultivés par deux charrues indigènes, qui rendront net au concessionnaire un revenu de 500 francs. » D’après les renseignemens que M. Moll a donnés sur les procédés arabes, il paraît impossible que deux familles indigènes réduites à 20 hectares, dont moitié