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contre le capitaliste. Persuadés que le gouvernement prend des mesures pour l’assainissement et la sécurité des lieux, pour la loyale exécution du contrat, n’étant plus glacés par la crainte de donner dans un piège, les cultivateurs n’auront plus de répugnance à s’expatrier, et en même temps la publicité donnée officiellement à l’acte social permettra aux entrepreneurs de recruter de bons auxiliaires.

Le cadre que nous venons de tracer n’exclut pas les indigènes. En beaucoup de circonstances, leur adjonction sera un grand soulagement pour les travailleurs européens. On obtient facilement des pâtres ou des manœuvres à raison de 1 franc 50 cent. à 2 francs par jour, y compris le pain qu’on a coutume de leur donner, et qui fait le fond de leur subsistance. On les utilisera, comme ouvriers supplémentaires, sans trop compter sur leur concours. Ceux qu’on emploie comme métayers ne passent pas pour très fidèles. Les journaliers, malgré la modicité de leurs salaires, coûtent plus cher que les Européens. Le premier jour, ils attaquent franchement le travail, parce qu’ils sont avides, mais ils s’amollissent peu à peu et arrivent au découragement. Attachés à leurs routines, il est difficile de leur faire adopter les procédés abréviateurs. Leur travail ne se marie pas à celui des ouvriers d’Europe ; il faut les occuper à part : c’est ainsi qu’en agit M. Borelly-Lassapie, qui a déjà réuni sur ses terres vingt-trois cultivateurs français et quarante métayers arabes. Il ne faudrait pas, au surplus, que la prudence nous rendît injustes. S’il arrivait qu’à la longue les indigènes acceptassent cordialement le joug de notre civilisation, il serait naturel qu’ils participassent à ses bénéfices : il n’y aurait aucun inconvénient alors à les attacher à un centre de colonisation aux mêmes titres que les ouvriers français.

Attirer en Afrique des hommes laborieux et de bonne trempe, entretenir leur émulation, assurer la continuité de l’œuvre, neutraliser la concurrence entre les maîtres pour s’arracher les ouvriers, comme celle des ouvriers entre eux pour se ravir le travail, préparer le succès commercial en ouvrant une double issue aux produits, tels doivent être les effets du régime que nous indiquons, s’il est loyalement pratiqué. Ces résultats découlent d’une combinaison des plus simples, qui réunit les avantages de la liberté individuelle aux bénéfices de l’association. Il ne faut voir dans nos idées ni la formule d’une utopie ni le prospectus d’une affaire. Si un moyen de donner à l’Algérie les bras qui lui manquent nous paraissait plus équitable et plus efficace que le nôtre, nous n’hésiterions pas à le proclamer.


III. – EXPLOITATION.

La démonstration suprême en matière de colonie, ce sont les chiffres.