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d’eux-mêmes. Oui, il faut aller vite ; mais le vrai moyen, c’est de donner l’exemple d’un succès commercial également attrayant pour les capitalistes et les ouvriers. On aura beau faire, le peuplement effectif et durable restera subordonné aux progrès du commerce. Quel que soit le système qu’on adopte, il faudra subir plusieurs années d’épreuve avant de réduire les dépenses militaires. Une population introduite à grands frais, si bien aguerrie qu’elle soit, dépérira en dix ans, si son installation recèle un vice économique ; si, par exemple, disséminée sur un sol découpé en parcelles, elle ne peut ou ne sait pas distribuer ses travaux en vue des débouchés possibles. Au contraire, dix ans suffiraient pour que cent villages s’organisassent sur un type florissant. On irait vite si, par le concours d’un heureux climat, d’un riche capital, d’une savante exploitation, on parvenait à livrer les productions naturelles à l’Afrique à des prix qui en assurassent le placement sur les marchés européens. Ce résultat, nous l’entrevoyons pour le coton, et, comme la production du monde entier est inférieure de 15 millions de kilogrammes aux demandes de la fabrique, il y aurait, à notre compte, du travail pour 50,000 ames, rien que pour combler ce déficit. Sur 856 millions d’achats faits par la France en 1845, il y a pour 452 millions de marchandises que l’ex-régence pourrait fournir[1], en la supposant habilement exploitée : un tel mouvement commercial conduirait naturellement en Algérie au moins 1,200,000 ames. Qu’on ne nous accuse donc pas de méconnaître la nécessité d’un peuplement rapide et d’être indifférent aux soins de la défense. C’est, au contraire, parce que nous en faisons notre préoccupation principale, que nous excluons tous les systèmes qui condamnent les émigrans à une existence souffreteuse. Pour une multitude misérable, il n’y a pas d’expansion

  1. Tels sont, en nombres ronds, les chiffres fournis par les derniers documens :
    millions millions
    Cotons 108 Fonte brute 8
    Soie 64 Lin 7
    Laines 49 Fruits 7
    Graines oléagineuses 45 Suifs 5
    Peaux brutes 30 Riz 5
    Tabac en feuilles 28 Sparterie 8
    Huile d’olive 22 Chanvre 4
    Indigo 21 Cochenille 4
    Céréales 15 Fromage 3
    Chevaux 9 Beurre 2
    Bestiaux 8 TOTAL 452 millions


    Les pays dont nous tirons ces marchandises ne nous achètent pas, en général, pour une somme correspondante. Ainsi, les États-Unis, dont nous avons revu en 1845 pour 102 millions de coton, 25 millions de tabac, et 13 millions d’auges objets, ne nous ont demandé en total que pour 96 millions de nos produits.