Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’état se fût trouvée réduite chaque année en proportion de la somme amortie ; les titres, remboursés, sans aucun doute, avant vingt ans, auraient été transformés en actions de jouissance au profit des capitalistes.

Cette combinaison eût été la plus simple et la plus féconde. Cinq à six fermes d’essai, au capital d’un million, n’eussent pas engagé beaucoup la responsabilité du trésor. Si l’on avait été entraîné à quelques déboursés, on les eût retrouvés par l’impôt. En retour de la garantie offerte, le gouvernement aurait stipulé les conditions reconnues nécessaires à la prospérité de l’Afrique française. Il aurait concouru avec les actionnaires au bon choix des agens, provoqué les travaux d’avenir, mis à l’essai les plus importantes cultures, au point de vue de la spéculation commerciale[1]. On eût éprouvé divers modes de rémunération, afin de reconnaître le plus favorable aux ouvriers, le plus propre, à les attacher au sol africain. On eût enfin groupé et façonné la population de manière à ce qu’en se multipliant, elle eût suffi aux nécessités, de la défense et soulagé la métropole du poids qui l’accable. Supposons, chose impossible et aussi révoltante pour la raison que pour le sentiment national, supposons qu’il fût démontré qu’une exploitation agricole ne peut pas prospérer en Algérie, eh bien ! cette triste découverte eût coûté quelques millions au budget ; mais jamais acquisition n’eût été plus lucrative : on eût économisé des milliards en renonçant à la poursuite d’une chimère. Notre ferme conviction est, au contraire, que des entreprises combinées avec une parfaite intelligence des lois agronomiques.et commerciales dépasseraient toutes les espérances. Or, dès qu’un succès d’argent eût été constaté, une multitude d’établissemens se seraient formés sans requérir la garantie publique, et le capital de la métropole aurait pris son cours vers l’Afrique avec un élan, qu’il eût fallu peut-être maîtriser.

Nous n’insistons pas sur cette idée, n’ayant aucune espérance qu’elle soit prise en considération. La garantie d’intérêt rencontrerait probablement parmi les hommes d’état une répugnance instinctive. Ce moyen, qui donne à l’autorité une force énorme d’initiative sans déranger l’équilibre financier, n’est pas encore entré suffisamment dans les habitudes administratives, bien qu’on en ait fait heureusement l’épreuve pour provoquer la création d’une grande ligne de chemin de fer On est bien plus frappé de l’abus qu’on en peut faire que des avantages qu’on en peut tirer. On craint de placer le trésor sous le coup d’un vague engagement, sous la menace permanente d’un remboursement éventuel, de compromettre la fortune, publique au profit

  1. On a des jardins d’essai pour l’étude scientifique des plantes ; pourquoi n’aurait-on pas des fermes d’essai, organisées au point de vue commercial ?