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mais encore s’appliquèrent à calmer le peuple et lui prêchèrent la soumission.

Junot maintint provisoirement toutes les autorités portugaises que le prince régent avait instituées avant son départ, réorganisa la police, assura la tranquillité des habitans, et fit observer par ses troupes une exacte et sévère discipline. Il nomma gouverneur militaire de Lisbonne le général de Laborde, qui savait allier à une grande vigueur de caractère un esprit modéré et juste. Le matériel de l’armée avait extrêmement souffert. La plupart des fusils étaient rouillés et tordus, les attelages de l’artillerie disloqués, les chevaux hors d’état de servir, enfin les habits des soldats étaient en lambeaux ; mais l’arsenal de Lisbonne, l’un des plus riches de l’Europe, regorgeait d’armes, de munitions et d’équipemens. Junot y trouva au-delà de ce qui lui était nécessaire pour remonter à neuf tous ses corps. L’armée portugaise fut dissoute ; une partie des soldats fut renvoyée dans ses foyers et l’autre en France, où elle fut incorporée dans nos armées. Junot prit tous les chevaux et tous les canons, et s’en servit pour réorganiser son artillerie et sa cavalerie ; il mit sur un pied de défense redoutable les forts de Bélem, la côte, ainsi que les places qui couvrent les deux rives du Tage.

La conquête du Portugal était maintenant consommée. Elle fermait aux marchandises anglaises les ports et les marchés de toute la Péninsule ; elle portait au commerce de la Grande-Bretagne un dommage incalculable, et complétait la soumission de tout le midi de l’Europe aux mesures prohibitives décrétées à Berlin le 21 novembre 1806, et devenues, par les traités de Tilsitt, la loi suprême du continent. Tandis que ce grave événement s’accomplissait, la discorde éclatait dans le sein de la famille royale d’Espagne et ouvrait de nouvelles chances aux désirs ambitieux de l’empereur Napoléon.


ARMAND LEFEBVRE.