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expressément convenu que cette armée ne franchirait les Pyrénées qu’après que les deux gouvernemens se seraient concertés et auraient conclu une nouvelle convention.

L’empereur n’avait pas attendu que le traité de partage eût été signé pour agir contre le Portugal. Le général Junot, qui avait conservé son titre officiel d’ambassadeur de France à la cour de Lisbonne, vint prendre le commandement de l’armée d’invasion, et, le 18 octobre, il commença son mouvement. Il franchit la Bidassoa et se porta vivement par la Navarre et la Castille sur Salamanque. Partout, sur cette longue route, il reçut des populations un accueil amical. A Vittoria, à Burgos, à Valladolid, on lui donna des fêtes. On se pressait en foule autour de ce drapeau français encore entouré d’une auréole de gloire si éclatante et si pure. De son côté, l’Espagne se disposa à appuyer le mouvement de Junot. Le général Taranco, chargé d’occuper les provinces portugaises destinées au roi d’Étrurie, se dirigea, avec quatorze bataillons et six escadrons, de la Corogne sur Oporto. Le général Solano marquis del Socorro pénétra dans les Algarves et l’Alentejo à la tête de huit bataillons, de cinq escadrons et d’une batterie à cheval. Enfin une division espagnole, commandée par le général Caraffa, se réunit à Alcantara, d’où elle devait marcher ensuite, de concert avec l’armée française sur Lisbonne.

Ainsi, le Portugal allait être envahi sur tous les points à la fois, au centre, au nord et au midi. Le gouvernement espagnol avait dû faire des efforts inouis pour se trouver en mesure d’exécuter ses engagemens. Afin de porter à leur complet de guerre les bataillons de l’armée active, il avait été forcé d’affaiblir toutes les garnisons des places du nord, ainsi que les divisions qui formaient le camp de Saint-Roch : il avait pris tout ce qui était disponible, même une partie de la garde royale. — L’armée française franchit en vingt-cinq jours la distance qui sépare Bayonne de Salamanque. Elle arriva dans cette dernière ville le 12 novembre. Elle comptait s’y reposer de ses fatigues : déjà elle avait disposé ses campemens, quand elle reçut l’ordre de poursuivre sa marche.

L’Angleterre avait secrètement autorisé le régent, par un traité qui fut signé le 22 octobre, à séparer ostensiblement sa cause de la sienne et à lui fermer ses ports et ses marchés ; mais elle y avait mis pour conditions que la France et l’Espagne se déclareraient satisfaites, et ne toucheraient point au territoire portugais. Les cours de Lisbonne et de Londres jouèrent avec une dissimulation parfaite leur rôle d’ennemis officiels. Le prince régent déclara solennellement la guerre à l’Angleterre, rappela de Londres son ambassadeur, et fit mettre le séquestre sur toutes les propriétés anglaises qui se trouvaient encore dans le