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qu’elle entretient aujourd’hui sur le sol africain. On tombe d’accord que la colonisation, c’est-à-dire l’implantation au milieu des vaincus d’un peuple nouveau, est l’unique moyen d’arriver à ce résultat. Pour être juste, il faut reconnaître que le département de la guerre, qui s’est trouvé naturellement chargé de la direction des affaires d’Afrique, s’est préoccupé vivement, et non sans succès, du grand problème de la colonisation. Les nécessités de la guerre n’ont point absorbé sa sollicitude, et il a obtenu de remarquables résultats qui en font légitimement espérer de plus rapides et de plus solides encore pour l’avenir. Dès 1841, alors que la lutte contre les Arabes se continuait avec le plus de vigueur, le gouvernement songeait à des essais de colonisation, et, pour se conformer à ses vues, l’administration en Afrique dut se mettre sérieusement à l’œuvre. Le Sahel, qui circonscrit la ville d’Alger et la banlieue de l’est à l’ouest, fut le premier point qui dut attirer l’attention. Quoiqu’il fût encore exposé aux incursions de l’ennemi, car on ne pouvait franchir Dely-lbrahim sans escorte, les agens de la direction intérieure parcoururent en tous sens ce vaste pâté de collines, y opérèrent des levées, y tracèrent des routes, y fixèrent l’emplacement de quatorze villages principaux divisés en trois zones, qui embrassaient toutes les parties saillantes d’un territoire de 30,000 hectares. C’était un véritable début de colonisation, et l’application immédiate de ces vues organisatrices eut une heureuse influence. A la fin de l’année 1841, la population européenne s’élevait au chiffre de 36,696 individus, ce qui constituait pour l’année un gain de 7,625 ; à la fin de 1842, l’effectif était de 44,791, avec un gain de 8,984. Depuis lors le mouvement ne s’est pas arrêté, et nous avons déjà indiqué ici les progrès croissans de la population jusqu’en 1846. Il suffit d’un peu de protection, de quelques travaux, de la concession de quelques morceaux de terre, pour attirer en peu de temps sur les points les plus éloignés des centaines de colons déterminés. Qu’était Guelma en 1843 et 1844 ? Un camp triste et ravagé par la nostalgie. C’est aujourd’hui une petite ville qui compte déjà 700 habitans. Qu’était l’année dernière Arzew ? Un petit port militaire auprès duquel s’étaient groupés 20 à 30 cantonniers et marchands. À la fin de 1846, il y avait déjà plus de 300 habitans et 40 maisons en cours de construction. A Sétif, point perdu entre la province de Constantine et celle d’Alger, aux portes de la grande Kabylie, 700 Européens se sont installés à demeure dans de solides habitations. À Djemmaa-Ghazouat, à l’extrémité du littoral de la province d’Oran, à quelques lieues de Sidi-Brahim, 3 à 400 Européens n’ont pas craint de transporter leur fortune et leurs familles. Il n’y a donc qu’à vouloir pour que l’Algérie reçoive en grand nombre ces habitans nouveaux, qui seuls pourront, par leur masse et leur irrésistible expansion, sceller la conquête et garantir la paix. C’est ce dont les chambres doivent se bien pénétrer, lorsqu’elles auront prochainement à apprécier le rôle des pouvoirs publics dans l’œuvre de la colonisation et à déterminer les moyens d’action qu’il importe de mettre entre les mains du gouvernement.

Dans ces derniers temps, le ministère de la guerre a voulu que, tout en continuant le peuplement des territoires civils d’Alger, d’Oran, de Mostaganem, de Philippeville et de Bone, on étudiât les moyens de constituer entre les villes du littoral et celles de l’intérieur des masses compactes de cultivateurs européens. Ces intentions ont fait surgir deux projets de colonisation dont l’opinion publique