Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une quarantaine d’années. Aussi pouvons-nous dire, sans crainte d’encourir le reproche d’exagération, que, sous le rapport de l’impression proprement dite, la France est actuellement sans rivale.

Au moment où nous écrivons, il est impossible de traiter une question de commerce, même spécial, sans se préoccuper de la lutte engagée entre les partisans de la liberté absolue du commerce et les défenseurs du maintien des droits de douane, faussement caractérisés le plus souvent par le titre de droits protecteurs. Il ne peut entrer dans notre plan de ranimer la discussion à l’occasion du cas très particulier qui nous occupe ; mais nous devons dire quelques mots du libre échange appliqué au commerce des toiles peintes. Les fabricans du Haut-Rhin, après avoir délibéré entre eux sur les moyens à employer pour obtenir des tarifs avantageux à l’écoulement de leurs produits sur les marchés étrangers, ont demandé l’extension des relations internationales avec tout autre pays que l’Angleterre. Le fait est significatif. L’opinion des manufacturiers d’indiennes de la Seine-Inférieure a toujours été contraire aux doctrines des libre-échangistes. Tous se sont rappelé que, dans une séance de la ligue, Cobden avait dit à Manchester : « L’impression sur coton va mal, et menace d’aller plus mal encore, » et ils ont craint peut-être que ce ne fût dans la pratique de son art que le nouvel agitateur eût puisé les élémens du système qu’il s’efforce de propager. Pour nous, dans l’état actuel de la question, nous verrions avec peine tous les marchés de l’Europe et les nôtres même ouverts à la libre importation des tissus imprimés de l’Angleterre, contre lesquels nous luttons déjà si péniblement. Le passé nous semble, à cet égard, un pronostic certain de l’avenir c’est au blocus continental, à l’exclusion des marchandises anglaises de toutes les places de l’Europe, que nos fabriques durent, sous l’empire, les immenses perfectionnemens réalisés dans l’art des indiennes. Pour réunir le bon marché à la beauté des toiles peintes, disent depuis long-temps quelques économistes, celles-ci devraient être tissues en Angleterre et imprimées en France. Chacun sait, en effet, que le degré si remarquable de perfection qu’a atteint de nos jours le tissage des cotonnades est dû aux Anglais ; d’autre part, nous avons dit quelle est notre supériorité en matière d’impression. Donc, rien de plus vrai, eu égard à l’extension du commerce des indiennes ; mais que deviendrait notre industrie cotonnière si laborieusement créée, et dont la prospérité tend chaque jour s’accroître ? Voudrait-on aujourd’hui, en abolissant les droits restrictifs, la sacrifier à la concurrence illimitée des manufactures de la Grande-Bretagne ? Nous ne pensons pas que là soit pour l’administration française le point de vue vraiment libéral des droits du commerce international. En thèse générale, l’Angleterre nous inspire une grande défiance, quand nous voyons ce type de l’individualisme national réclamer à grands cris la liberté du commerce ; la suppression des douanes nous parait d’une extrême importance pour un pays qui ne vit, en quelque sorte, que de ses exportations ; enfin nous nous rappelons certains discours de quelques hommes d’état de la Grande-Bretagne, où les intentions de nos voisins d’outre-Manche semblaient se montrer sous un jour bien différent de celui de l’intérêt universel.

Pour qu’une industrie prospère, ce n’est point encore assez cependant de l’appui qu’elle peut trouver dans de bons règlemens commerciaux ; il lui faut le secours éclairé de la science, et c’est à ce titre que le livre de M. Persoz nous parait