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chimiques et physiques pour contracter les couleurs particulières des substances qui en sont tirées. Faute de connaissances positives sur la provenance de ces principes, on n’a pu en isoler qu’un petit nombre, et l’industrie attend que de nouveaux faits viennent soulever un coin du voile qui recouvre encore, dans l’état actuel de la science, les phénomènes de la formation des couleurs.

La cochenille, la garance et l’indigo nous paraissent les meilleurs exemples à choisir pour faire nettement concevoir les diverses origines que nous venons d’assigner aux matières colorantes du règne organique. L’indigo, rapporté des Indes orientales vers la fin du XVIe siècle, arrive dans nos ports sous la forme d’une fécule, résultat du traitement particulier d’une famille de végétaux. La cochenille, cet insecte long-temps pris pour une graine en raison de sa forme hémisphérique, est recueillie au Mexique sur les plantes grasses dont elle fait sa nourriture. Enfin la garance a été importée en Europe par les Hollandais, à la suite de leurs conquêtes dans le Levant, où elle parait avoir été cultivée de toute antiquité. Ce ne fut réellement qu’à l’époque de la révolution française, et surtout pendant la durée du blocus continental, que la culture de cette plante prit une extension considérable dans le midi de la France, où cette précieuse racine est devenue maintenant l’un des principaux produits agricoles.

De toutes les matières premières que le commerce livre à l’industrie, aucune peut-être ne se prête plus facilement à la fraude que les substances tinctoriales. Ainsi la pureté de l’indigo est continuellement altérée par une poudre colorée en bleu à l’aide du campêche. Il en est de même de la garance, dont les fabricans, faute de moyens suffisans d’appréciation, favorisèrent en quelque sorte pendant long-temps la falsification, au point qu’il arriva à certains d’entre eux de refuser des garances d’une pureté absolue pour en admettre d’autres profondément altérées. Une des fraudes les plus piquantes est sans aucun doute celle de la cochenille ; on alla jusqu’à falsifier cette précieuse matière en la mélangeant d’une pâte colorée et moulée en grains, de manière à imiter les contours de l’insecte. En pareille occurrence, l’industriel, pour plus de certitude, s’aidant des moyens colorimétriques que lui fournit la science, a recours à un essai qui lui indique en petit ce qu’il doit attendre de la richesse, de l’éclat et de la solidité de la couleur. — En général, lorsque les agens chimiques dont il fait usage se trouvent mêlés de substances étrangères, le fabricant d’indiennes, outre sa perte pécuniaire immédiate, court toujours grand risque de voir ses opérations gravement compromises. C’est donc un but d’une haute utilité pratique que poursuit M. Persoz, en consacrant une partie de son livre à l’étude des corps organiques et inorganiques, simples ou composés, dont on se sert dans les diverses opérations de l’impression des tissus. Négligeant avec raison la classification philosophique d’un traité de chimie générale, il groupe ces corps par des considérations purement industrielles ; il s’attache à en caractériser les usages divers, et décrit avec détail les moyens d’en constater la valeur commerciale, en donnant toujours la préférence à cette simple et ingénieuse méthode des liqueurs titrées de M. Gay Lussac, dont une heureuse application vient encore d’être faite par M. Pelouze au dosage du cuivre dans les alliages monétaires, et par M. Marguerie au dosage du fer.

La cause si importante à connaître, au point de vue industriel, de l’adhérence, des couleurs aux fibres textiles des tissus a donné lieu chez les savans à des opinions très diverses. Les uns, comme Hellot, Le Pileur d’ Apligny et, plus récemment,