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de l’atelier, semblaient autant d’obstacles qu’on ne pouvait franchir sans peine et qu’on ne tarda pas néanmoins à surmonter. D’ingénieux fabricans, tout en se cachant mutuellement leurs moindres succès de peur d’éveiller la concurrence, parvinrent par le tâtonnement à obtenir d’importantes améliorations ; de savans théoriciens, se hâtant au contraire de livrer leurs découvertes à la publicité, pour s’assurer un rang de priorité, provoquèrent les applications dont elles étaient susceptibles. Tous simultanément, mais par des voies différentes, marchaient donc au même but, et ce fut par les efforts de plusieurs générations de travailleurs, continués sans interruption jusqu’à nos jours, que l’on parvint à étudier la nature des couleurs propres à l’impression, les moyens de les fixer sur les tissus, et d’associer la variété de leurs nuances aux plus heureux résultats de l’art du dessinateur.

Cet historique ne serait pas complet si, à côté des cotonnades, nous omettions de mentionner ici les autres étoffes sur lesquelles pourtant s’exécutent aussi des impressions. Toutefois nous n’avons à signaler dans le développement de ces diverses industries aucun fait digne de remarque. Évidemment dues à l’art des indiennes, qui leur donna successivement naissance, elles lui empruntent tous ses procédés. De légères modifications doivent seulement être apportées, suivant la fibre textile dont ils sont formés, aux préparations préliminaires que subissent les tissus. Ces subdivisions de l’industrie des toiles peintes ont d’ailleurs, comme celle-ci, atteint un haut degré de prospérité : nous n’en voulons pour exemple que l’impression des soieries, qui, malgré son origine toute récente (1817), est actuellement l’une des branches principales du commerce lyonnais.

On connaît les phases qu’a traversées la fabrication des tissus imprimés ; examinons maintenant quels sont les procédés employés dans cette précieuse industrie des indiennes, qui assure désormais à la consommation des étoffes à bon marché faites avec autant de soin et de solidité que les riches tissus dont se parent le luxe et l’élégance. Une remarquable publication de M. Persoz, professeur de chimie appliquée à la faculté de Strasbourg, le Traité théorique et pratique de l’impression des tissus, a transporté dans le domaine scientifique des questions qui semblaient uniquement du ressort de l’industrie, et qui, nous espérons l’avoir en partie démontré, relèvent aussi jusqu’à un certain point de l’histoire et de l’économie politique.


II.

Parmi les matières tinctoriales qui servent à la coloration des étoffes, les unes, dont l’histoire est purement chimique, comme le bleu de Prusse, l’acide nitrique, appartiennent au règne inorganique ; les autres sont ou des êtres organisés, ou le résultat de préparations que l’on fait subir à certains végétaux, ou enfin les parties seulement d’une plante, mais très rarement la fleur. Les travaux des chimistes, au premier rang desquels il faut citer M. Chevreul, qui a exploré ce champ avec tant de succès, ont établi que les matières colorantes doivent être considérées comme des substances complexes renfermant des principes immédiats, qui en possèdent au plus haut degré les propriétés, et en forment à proprement parler la partie essentielle. Primitivement incolores, ou au moins très peu colorés, ces principes ont toujours besoin d’être soumis à l’action d’agens