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S’armant d’une fierté que sa pâleur dément,
Il parle avec orgueil, mais veut être clément :

« Suis-je roi ? d’un esclave ai-je enduré l’audace ?
La poudre de mes pieds me juge et me menace !
Toi qui prétends parler au nom de Dieu, sais-tu
Que de sa majesté mon front est revêtu ?
Ce qu’est Dieu dans le ciel, le roi l’est sur la terre ;
Tu dois devant son ombre adorer et te taire.
Va, prophète menteur, souffler aux révoltés
Le vent tumultueux des folles nouveautés !
Ton sang vil des festins ne doit troubler la joie,
Le bouc est au lion une trop lâche proie.
Mais il faut, pour la paix de l’état raffermi,
Que la nuit des cachots, qui t’avait revomi,
Étouffe enfin ta langue, et, dans ses ombres sourdes,
Courbe ton front rétif sous des chaînes plus lourdes. »

Il fait signe ; à l’instant, un ministre d’enfer
S’élance et saisit Jean, et du carcan de fer
Enroule au cou du saint la rigide couleuvre.
Mais l’homme du désert jusqu’au bout fait son œuvre ;
Sa voix tonne plus haut : « Malheur à qui m’entend,
Si, quand le Seigneur parle, il reste impénitent !
J’ai crié pour l’esclave et le roi : voici l’heure ;
Préparez les sentiers du maître et sa demeure ;
Soyez purs ; il n’est pas de grandeur devant lui.
Revêts pour le combattre, ô roi, comme aujourd’hui,
La majesté de Dieu, vainement usurpée,
Qu’opposent tes pareils à la foule trompée
Sous ce bandeau sacré qui garantit ton front,
Toi, sans juge ici-bas, les vers te jugeront ;
A leur morsure, alors, disputant tes chairs vives,
Étends ton sceptre d’or sur ces affreux convives !
Pour moi, libre ou captif, de ce jour je me tais ;
Fais ici de mon corps ce que tu veux ; j’étais
La voix qui va devant pour annoncer le maître ;
Celui qui doit venir est là, prêt à paraître,
Mes yeux l’ont vu. Seigneur, maintenant à mes os,
Ma journée étant faite, accordez le repos ! »

Les soldats ont traîné le captif au cœur ferme
Hors de l’impure salle, et sur lui se referme