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Il lance, à chaque mot, un geste qui les dompte,
Et d’un murmure entre eux pas un ne l’a bravé ;
Le luth seul vibre encor tombé sur le pavé.

« Malheur à vous, dit-il, rois, grands, race funeste !
Malheur à ce palais où s’étale l’inceste ;
Qui s’allume, le soir, d’infernales splendeurs,
Et des parfums lascifs sème au loin les odeurs !
Qu’un homme vienne ici, cherchant justice, il trouve
La maison de David comme un antre de louve,
Où passe, au bruit des chants et des rires impurs,
L’ivresse aux doigts souillés rampant le long des murs.
O roi, pour t’annoncer ses colères prochaines,
Dieu vient dans ma prison de délier mes chaînes.
Je t’avertis encor, ton étoile pâlit.
Chasse, avant de mourir, l’inceste de ton lit ;
Bannis les grands du monde, artisans de tes vices,
Qui conseillent tes rapts pour en être complices,
Et pour avoir leur part, dans cet affreux festin,
De l’or et de la chair dont vous faites butin.
Malheur à vous ! Pillant la veuve et le pupille,
Au champ qui vous revient vous en ajoutez mille ;
Chaque jour vous joignez un toit à votre toit ;
Sur le sol d’Israël vous êtes à l’étroit.
Croyez-vous, oubliant que les autres sont hommes,
Grands du monde, habiter seuls la terre où nous sommes ?

« Malheur au peuple entier, quand du trône descend
Du vice couronné l’exemple tout-puissant ;
Quand la foule respire, à travers les scandales,
Les émanations des débauches royales !
Pour avoir de tels rois porté le joug en paix,
Tu seras châtié, peuple, de leurs forfaits,
Car ton heure est venue, et le Seigneur se lève ;
Il aiguise sa flèche, il est ceint de son glaive ;
L’ongle de ses chevaux est d’un silex tranchant.
Devant lui, vers tes murs, son char pousse en marchant,
Comme un sommet qui croule en entraînant les chênes,
Cent peuples engendrés dans les neiges lointaines ;
Ils raseront tes tours. Sur ton sol dévasté
Tu verras l’étranger construire sa cité ;
Et toi, peuple, enchaîné sur ton seuil en ruine,
Dans ton champ plein d’épis souffriras la famine,