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supporte des charges assez lourdes pour un profit nécessairement borné, et qui ne peut, en aucun cas, s’accroître d’une manière bien sensible. Au surplus, toutes les expériences de M. Whaghorn ne sauraient jamais prévaloir contre une proposition élémentaire de géométrie, et la ligne droite n’en restera pas moins toujours plus courte que la ligne brisée. L’Angleterre le sait bien aussi. Qu’elle s’efforce par tous les moyens en son pouvoir d’assurer dans l’avenir ses relations avec l’Orient et de les préserver des chances d’une rupture avec la France, rien de plus naturel ; mais elle n’a pas la prétention d’inventer une communication plus rapide que celle que la nature a créée ; et vint-elle à conclure un arrangement avec quelque autre nation du continent, les transports effectués par cette nouvelle malle se trouveraient diminués de moitié. Les voyageurs, que nul traité ne lie, n’en continueraient pas moins, en temps de paix, à préférer la route plus courte et plus commode de Marseille à Calais.

Il n’est pas inutile de faire remarquer les tendances libérales, en matière d’économie politique, qui se font jour dans les deux conventions dont nous venons de parler. L’Italie, comprimée dans son essor, embarrassée jusqu’à ce jour dans mille entraves, coupée de mille frontières intérieures, morcelée en un grand nombre de petits états enclos et retranchés derrière leurs lignes de douanes, sent depuis long-temps le besoin d’élargir le champ de ses relations commerciales et de marcher à l’unité par l’abaissement des barrières de douanes ; elle veut, elle aussi, son Zollverein. Aussi les principes de la liberté du commerce y ont-ils partout de nombreux adhérens. L’illustre chef de la ligue anglaise a pu s’en convaincre dans toute la durée de son voyage. Les manifestations enthousiastes dont il a été l’objet à Naples, à Rome, à Florence, Bologne et Livourne, n’ont pas été moindres en Piémont. À Gênes, à Verceil, à Novarre, M. Cobden a été accueilli avec les plus vives démonstrations de sympathie ; à Turin, un banquet lui a été offert où deux remarquables discours ont été prononcés par M. le comte de Cavour et par le professeur Scialoja, qui, le lendemain, rouvrait, en présence de M. Cobden et d’une assemblée nombreuse, le cours d’économie politique interrompu depuis 1821, et rétabli l’année dernière par une ordonnance du roi Charles-Albert. Sans doute le libre échange n’a pas encore gain de cause en Europe. Le procès est encore pendant entre les free traders et les protectionnistes, et l’opportunité de la liberté absolue du commerce pour l’Italie peut être sujette à contestation. Toutefois, dans l’état actuel de ce pays, c’est un progrès que les manifestations qui viennent d’avoir lieu ; c’est encore un progrès que la création d’une chaire publique d’enseignement économique, et les amis de l’Italie ne sauraient manquer de s’y associer et d’y applaudir.


— Rien n’intéresse plus les peuples que leur berceau ; rien n’importe plus dans l’histoire que la question des origines. L’origine de l’Europe moderne est tout entière dans la lutte et la fusion des races barbares et de la civilisation romaine, qui dompte ces races par la conquête, puis les transforme par le christianisme. Le XVIIIe siècle a commencé l’étude de ce problème, le XIXe est appelé à le résoudre. Deux ordres de recherches doivent concourir à la solution : l’étude de la vie morale, intellectuelle, sociale, des populations germaniques d’une part, et de l’autre l’étude de l’action exercée sur elles par la discipline de la Rome