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sur ses véritables intentions ; mais il ne doit pas oublier non plus combien il importe de ne pas laisser long-temps l’Algérie sans un chef suprême et responsable. C’est là surtout que toute situation provisoire est funeste. Il faut que les populations arabes, dont l’humeur est si inquiète, si remuante, aient devant elles une autorité dont elles ne mettent pas en doute la force et la durée. Le temps, l’expérience et la guerre ont formé en Afrique des hommes dans lesquels le gouvernement et le pays peuvent mettre une confiance méritée. Le général Lamoricière vient de montrer à la tribune combien il connaissait à fond toutes les conditions nécessaires de notre domination en Afrique ; il a vivement intéressé la chambre par un discours à la fois pittoresque et pratique, où l’homme d’opposition s’est entièrement effacé ; cette preuve de tact et de goût n’a pas été une des moindres causes du succès de M. de Lamoricière. De brillans services et la fermeté de caractère ont placé très haut dans l’estime de l’armée M. le général Bedeau, qui ne s’est laissé enrôler dans les rangs d’aucun parti, et que tout semble désigner pour porter un jour le fardeau du commandement en chef. L’Algérie ne peut-elle enfin avoir pour gouverneur-général un des princes qui l’ont souvent visitée pour y partager les travaux et la gloire de nos troupes ? Beaucoup de personnes ont souvent regretté que le pouvoir, dans notre colonie africaine, eût une physionomie exclusivement militaire. Si l’un des fils du roi était gouverneur-général de l’Algérie, n’aurait-il pas, par la force des choses, outre l’autorité militaire, un caractère civil qui serait pour tous les intérêts une précieuse garantie ? Nous vivons, il est vrai, dans une époque où les grandes situations inspirent tant d’ombrages, tant de sentimens mauvais, que souvent on craint de leur offrir un aliment nouveau en donnant à des princes qui pourraient rendre des services un rôle actif dans les affaires. On aime mieux les laisser dans une stérile et brillante oisiveté. Quoi qu’il en soit, c’est pour le cabinet un impérieux devoir d’agir avec décision et promptitude, tant pour ce qui concerne le commandement en chef que pour l’organisation de l’administration civile.

Les problèmes difficiles abondent dans les projets soumis au parlement. Nous ne sommes pas étonnés que la chambre des pairs n’avance que lentement dans sa discussion de la loi sur l’enseignement et l’exercice de la médecine et de la pharmacie. Il ne serait pas exact de dire que la présentation d’une loi pareille est prématurée, car le corps médical a été presque unanime pour réclamer un remaniement complet de la législation qui le régit ; mais les questions qu’il faut résoudre pour arriver à ce résultat sont encore obscures, même pour les hommes spéciaux. Ici, comme ailleurs, la vérité spéculative et la réalité pratique ne pourront être mises d’accord qu’après une longue élaboration. Quoi de plus rationnel, quoi de plus irréfutable en principe que de ne reconnaître qu’un seul ordre de médecins ? C’est ce qu’a fait le projet de loi : en cela, il a adopté une solution foncièrement vraie, et il s’est trouvé d’accord avec l’opinion du corps médical, qui a demandé depuis long-temps qu’on fit disparaître la monstruosité des deux ordres de médecins. Cependant des voix s’élèvent pour exposer tous les inconvéniens de cette réforme radicale ; elles demandent si l’on trouvera toujours des médecins pour les campagnes, et ce qu’y deviendra le docteur en médecine qui aura bu dans les grandes villes à la coupe des lumières et des jouissances. Enfin le plus puissant adversaire du projet de loi a maintenu que c’était à Athènes et non pas au village qu’on pouvait rencontrer les Hippocrates. Cet