Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/1131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

motif de cette rigoureuse mesure est la complicité de Price Overley et de ses associés avec un employé des bureaux de l’Échiquier accusé d’avoir mis en circulation, falsifiés quant à la signature, des billets ou bons du trésor anglais. Ce crime une fois prouvé, tous les biens, toutes les créances de Price Overley reviennent au gouvernement, et le gouvernement ne saurait se montrer bien exigeant envers un brave militaire comme le major Barrington. A la place de ce dernier, nous ne nous y fierions pourtant pas, et serions flatté, comme il le fut sans doute, d’avoir pour protecteur, auprès du secrétaire d’état que l’affaire concernait, un vieux général très proche parent de ce ministre. Grace à son ancien chef, Barrington obtint remise de sa dette. Les Jardins lui restèrent, et son fils Edward, associé à une puissante maison de commerce, finit par épouser, à Madère, une des plus riches héritières de l’île.

Le mérite de ce petit roman n’est pas celui d’une intrigue très compliquée ou de caractères très nettement nuancés, mais les détails sont vrais ; les types choisis, à défaut d’originalité, sont au moins très fidèlement rendus. Frankberry n’est qu’un pauvre malfaiteur auprès du Gammon de tout à l’heure ; cependant il nous plaît par la gaieté de commande, l’entrain un peu exagéré, la bonhomie joviale et familière qui masquent ses frauduleuses manœuvres. On comprend que cette manière si dégagée et si peu fatigante de traiter les affaires sérieuses ait une irrésistible séduction pour un loyal soldat comme Barrington, plus effrayé à la vue d’un parchemin, au pressentiment d’un procès, qu’il ne le serait au moment d’attaquer une redoute. La scène où le matois solicitor, sans avoir l’air d’y toucher, décide son client à ne point plaider contre Price Overley, et à terminer l’affaire par une transaction des plus coûteuses, est fort bien menée d’un bout à l’autre. Nous recommanderons ensuite deux ou trois chapitres où la vie des étudians à Cambridge est exactement et minutieusement décrite. Ensuite, et par ordre de mérite, viendrait le portrait de Mme Belzoni, la brocanteuse sentimentale qui amalgame si singulièrement les prétentions d’une coquette sur le retour avec les exigences de l’usure à 20 pour 100. Cette veuve ambiguë et le digne ministre, qui aspire, sigisbé silencieux, à remplacer le mari plus ou moins authentique dont elle affiche le deuil, doivent, ou nous nous trompons fort, avoir été peints d’après nature.

Ce qui distingue surtout les trois contes que nous venons d’analyser, ce sont des vues assez justes sur quelques anomalies sociales. Dans le premier (the Power o f attorney), M. Liardet s’attache à faire comprendre combien est féconde en abus la vénalité des emplois militaires. L'Acquisition (the Purchase) est une satire dirigée particulièrement contre l’esprit de spéculation que les commerçans retirés conservent trop souvent,