Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/1129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et avec le consentement du trustee survivant, Barrington peut se dispenser de cette formalité. Ce trustee passe d’ailleurs pour le plus honnête homme de la province ; c’est un lawyar investi de la confiance générale. Où trouver une meilleure tête, des mains plus pures, une intelligence plus prompte, un esprit plus aimable, un zèle plus désintéressé que chez Frankberry ? Ce n’est point là le solicitor vulgaire, partout créant des difficultés, partout fomentant des procès. Personne, au contraire, de plus conciliant, personne qui donne aux affaires un tour plus facile, un aspect plus dégagé d’embarras. Aussi faut-il voir de quelle popularité il jouit. Chargé d’intérêts nombreux, il négocie tous les prêts, fait tous les placemens, dresse tous les contrats à vingt lieues à la ronde, et sert d’agent à presque tous les grands propriétaires du comté. Lidbrook et Littlefield, — ces deux charmantes petites villes inconnues, — n’ont pour ainsi dire point d’autre conseil, d’autre fondé de pouvoirs, d’autre banquier, d’autre factotum en un mot ; et l’on ne se fierait pas à Frankberry !

Barrington demeure donc, sans le moindre souci, à la garde de cet unique trustee. Il n’a, tout d’abord, qu’à s’en féliciter. Frankberry lui fait recouvrer une créance de 4,000 liv. sterl. résultant d’un legs jadis fait à mistriss Barrington, et que le vieil Overley lui avait habilement escamotée. Rien de plus naturel que de confier à l’intelligent solicitor le placement de cette somme, et Frankberry la fait servir à l’achat d’une créance hypothécaire (mortgage), prenant soin, dit-il, que Barrington soit valablement substitué au créancier primitif, moyennant le dépôt et le transfert des titres de ce dernier. Les choses restent ainsi réglées, — du moins on a tout lieu de le croire, — jusqu’au moment où une double crise vient mettre Barrington en face d’une situation nouvelle pour lui. Son fils Edward, élevé comme le sont par malheur la plupart des jeunes gens bien nés, sort de Cambridge avec une érudition fort douteuse et des goûts excessivement dissipés. Dupe d’une illusion assez commune chez nos voisins, il s’est cru très bien avisé de se lier avec ceux de ses camarades que leur richesse et leur naissance doivent maintenir dans les plus hautes régions sociales, et, pour s’assurer plus tard leur appui, sacrifiant le présent à l’avenir, il s’est mêlé à leurs plaisirs, associé à leurs dépenses, identifié à leurs fausses idées, à leurs préjugés de caste. Qu’arrive-t-il de là ? C’est que le malheureux jeune homme, en entrant dans le monde, y porte une complaisance funeste, un entraînement irréfléchi vers une vie de luxe et de distractions coûteuses, une déplorable habitude de compter sur le patronage d’autrui plutôt que sur son propre mérite. Ses riches camarades qui, plus tard, l’écarteront peu à peu de ce monde brillant où il veut les suivre, l’y admettent un moment à ses