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Les docteurs de la loi, dont le cœur ne bat plus,
Citent le texte mort de leurs livres mal lus ;
Les rois contre celui dont le règne se lève
Invoquent les bourreaux et tirent le vieux glaive.
Pour vous seuls, ô bergers, ô cœurs simples et droits,
Le désert s’est peuplé de regards et de voix ;
Vous seuls pouviez prêter une oreille assez pure
Aux chansons des Esprits épars dans la nature,
Et, dirigés par eux vers un pauvre berceau,
Vous avez les premiers trouvé le dieu nouveau.


III.


Ton œuvre est faite, ô roi ! ta crainte et ta colère
S’éteindront, à la fin, dans le sang populaire.
Le bourreau vigilant fouille encor, dans Judas,
Les berceaux échappés aux meutes des soldats ;
Pas de toits si cachés, pas de tours si puissantes,
Ni ruses ni fureurs des mères rugissantes,
Rien n’a sauvé leurs fils marqués par tes soupçons
Le fer a sur le sein cloué les nourrissons ;
Dans le réduit secret qui les dérobe encore
L’incendie allumé les trouve et les dévore ;
Sur les dalles brisés, comme des fruits trop mûrs,
Leur sang mêlé de lait jaillit contre les murs ;
Dans les places, les cours, les sentiers qui ruissellent,
De ces frêles agneaux les débris s’amoncellent.

C’est alors qu’une voix dans Rama s’entendit,
Des pleurs et des sanglots, comme il était prédit,
Et ces longs hurlemens, roulant de faîte en faîte,
Qu’au fond de sa caverne écoutait le prophète ;
Rachel pleurant ses fils… Jamais tu ne voulus,
Mère, être consolée, alors qu’ils ne sont plus.

Or, deux anges, sortis de ces murs lamentables,
Précédaient, dans la nuit, deux familles semblables.
Avec leurs fils sauvés, par des chemins divers,
Les deux couples élus fuyaient, d’ombres couverts ;
L’un, — dont l’enfant, au bras d’une mère plus belle,
De son front plus divin répand l’éclat sur elle,
Ce fils que, vers la crèche avec amour rangés,