coups de la destinée. Elle pleura non de faiblesse, mais d’amour ; elle s’attendrit, mais sur ses enfans ; elle voila ses angoisses et sa douleur du respect qu’elle devait à elle-même, à la royauté, au sang de sa mère Marie-Thérèse, au peuple qui la regardait. » On voit quel a été le travail de M. de Lamartine ; il a répandu çà et là des phrases, des ornemens à travers la prose du comte Roederer, il en a tout-à-fait adopté la substance ; il a le même procédé pour un grand nombre de circonstances qui concernent Louis XVI.
Quand, après la lecture de l’Histoire des Girondins, on s’interroge sur les impressions définitives qu’elle laisse dans l’esprit, on s’aperçoit que les effets de ce livre se neutralisent les uns par les autres. Contraria contrariis curantur. Ouvert à toutes les impressions, à toutes les idées, M. de Lamartine a jeté d’admirables couleurs sur un fond emprunté à tout le monde. Il a tour à tour le langage d’un démocrate, d’un royaliste, d’un girondin, d’un montagnard ; il évoque les partis et les hommes, il nous les montre comme autant de phénomènes curieux, qu’il décrit avec une intarissable verve. En réalité il est indifférent, indécis ; l’enthousiasme n’est qu’à la surface. Oui, cette imagination, merveilleuse s’allie à un scepticisme profond. Cette alliance est le principal caractère du talent de M. de Lamartine. C’est parce qu’il est tout ensemble un artiste puissant et sceptique que nous avons vu. M. de Lamartine passer sans fatigue et avec une rare audace de la poésie à la politique, et de la politique à l’histoire. Dans cette dernière entreprise, il n’a réussi qu’à moitié. Il a réussi à augmenter encore sa renommée en montrant que son imagination avait des ressources, une flexibilité, une prestesse, qu’on pouvait ne pas soupçonner, même chez l’auteur de Jocelyn et de la Chute d’un Ange. Il n’a pas réussi à remplir les conditions d’une histoire grave et durable. Dans son septième volume, M. de Lamartine nous annonce le dessein de placer le récit des guerres de la Vendée dans un large cadre. Après les girondins, nous aurons les Vendéens. Dans cette nouvelle campagne, puisse M. de Lamartine être plus sévère pour lui-même ! Qu’il songe que, si l’écrivain a l’incontestable droit d’écrire l’histoire d’après son propre génie, l’histoire a aussi des conditions fondamentales qu’il n’est pas permis de méconnaître et de violer. C’est ce qu’ont trop oublié les trois écrivains : dont nous venons d’examiner les travaux sur la révolution française. L’histoire politique ne se construit pas avec des abstractions superficielles, comme l’a cru M. Louis Blanc, non plus qu’avec des impressions mélancoliques et des déclamations violentes, comme le fait M. Michelet ; elle ne se prête pas enfin à la transformation que veut lui faire subir le génie de la poésie. Elle reste ce qu’elle est : la grande école des affaires, la mémoire et l’expérience du genre humain. Je vais relire Tacite.
LERMIINIER.