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Murmures de la poudre où ton pied se jouait ;
Voix de vils mendians et de lépreux infâmes
Attroupant autour d’eux les enfans et les femmes,
De vagabonds guettant au coin des carrefours,
De pâtres hérissés et pleins de longs discours,
Et qui se font, le soir de leurs courses lointaines,
De mystiques appels sur le bord des fontaines ;
Voix de pêcheurs grossiers, d’ignorans matelots,
Soupirs entremêlés de rire et de sanglots ;
Voix d’étrangers douteux venus des caravanes,
Paroles serpentant des cachots aux cabanes,
Que les hommes impurs, méprisés, dangereux,
Déjà, comme un salut, se transmettent entre eux ;
Que l’esclave murmure en s’éloignant du maître,
Disant : Le jour est proche où notre roi va naître ! »

Et du tyran vieilli l’œil s’est rougi de sang,
Tant la rage en son ame avec la peur descend.
Jaune, le cou gonflé, trouant d’une morsure
Sa lèvre aux bords vineux qu’a bouffis la luxure,
D’un coup, sur le pavé, tordant son sceptre d’or,
Affreux… « Judas saura qu’Hérode règne encor !
O terre de Bethlêm, nid d’imposteurs rebelles,
J’écraserai tes fils jusqu’entre tes mamelles !
Allez, broyez du pied, égorgez par le fer
Tout mâle en son sein né de deux ans et d’hier,
Et que, sur les tronçons de leurs fruits éphémères,
Le glaive aille fouiller les entrailles des mères ! »


II.


Les échos de ces mots, par cent voix répétés,
Comme des chars sanglans roulaient dans les cités,
Quand, sortis de Bethlêm, des hommes de la plèbe,
Chantant et louant Dieu, retournaient à leur glèbe ;
Des harpes dans les airs et d’invisibles voix
Accompagnaient d’en haut leurs chants le long des bois.

« Nuit du message, ô nuit d’amour et de merveilles !
Près des agneaux dormans nous prolongions nos veilles,
En cercle, autour des feux, sur la montagne assis,
Écoutant des vieillards les antiques récits,