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des tribunes de la chambre haute, un jour où devait s’agiter une grande question. Ce spectacle leur fit une impression qu’ils promettent de n’oublier jamais. Ils regardent les huit ou neuf heures que dura cette séance comme les plus agitées de leur vie, et cependant en somme leur attente fut trompée ; ils comptaient trouver dans les représentans de toute la richesse et de tous les talens du pays des hommes mieux vêtus et d’une meilleure tournure. Ils les virent dans des costumes d’un négligé effrayant, le chapeau sur la tête, étendus sur les bancs, avec lesquels leurs corps formaient des angles de tous les degrés et quelquefois des lignes entièrement parallèles. Plusieurs nobles pairs dormaient du sommeil du juste et ouvraient seulement les yeux quand un éclat de voix venait troubler leur quiétude. Les Indiens ne pouvaient se persuader que c’étaient là les hommes qui tenaient en main les destinées de plusieurs millions de créatures humaines. Cette surprise, causée par le nonchaloir des mœurs politiques, par l’absence de toute représentation, fut commune à tous nos voyageurs. Pour eux, il n’y a jamais assez de gardes aux portes, assez de trônes dans les palais, assez d’or et de pierreries dans les parures royales. Les Orientaux ne comprennent pas le pouvoir sans le faste. Ils ne sentent pas toute la grandeur d’une force qui peut se passer de prestige.

Les trois frères persans examinent aussi à leur manière la constitution politique de la Grande-Bretagne. On aime à voir comment les idées compliquées et abstraites de notre vieille civilisation prennent une forme simple en passant par ces jeunes et poétiques intelligences.


« Dans les premiers temps, les Francs, surtout ceux d’Angleterre, étaient comme des animaux et des quadrupèdes et n’avaient aucune espèce d’arts. Ils demeuraient dans les forêts, sur les montagnes et au bord de la mer, vêtus de peaux d’animaux, mangeant les produits naturels de la terre, et si par hasard ils avaient un roi, il leur prenait quelquefois fantaisie de le tuer : par contre, leurs rois tuaient beaucoup d’hommes. Ces oppressions, ces violences, causèrent toujours des querelles entre les rois et leurs sujets. Bien des gens, pendant la fureur de la persécution, furent obligés d’abandonner le pays et d’aller au Nouveau-Monde et ailleurs. A présent, ces horribles excès, qui se pratiquent dans les royaumes d’Asie, sont entièrement bannis de l’Europe. Les vizirs, les princes, le roi lui-même, n’ont pas le pouvoir de tuer un oiseau. Si, par exemple, le roi tire un oiseau pendant la saison défendue, il faut qu’il comparaisse devant le tribunal et se soumette à sa décision. »


Le prince Najaf prend trop au pied de la lettre les institutions européennes ; on peut s’en convaincre encore quand il parle de la dépendance des ministres : « Le vizir du trésor publie chaque année ses comptes dans les journaux, et toute personne qui a donné à l’impôt 10 tomans (100 francs) de son revenu a le droit, pour peu qu’elle trouve quelque chose à redire à la dépense, de monter à la chambre