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le prince sur sa nouvelle et difficile conquête, car la jeune personne passait pour fort dédaigneuse. Partout où allaient nos Persans, on invitait la jeune lady. Enfin Timour devint éperdument amoureux, et perdit, comme Ulysse dans l’île de Calypso, toute idée de retour. Un fatal accident vint troubler ce beau rêve. Un soir, les princes avaient reçu et accepté une invitation : dès qu’ils arrivèrent, « Timour trouva la maison sombre, n’y apercevant pas un rayon de l’astre de son amour. Il regarda dans toutes les directions et ne vit pas l’étoile se lever sur l’horizon. Alors il se leva, alla droit au maître de la maison : Où est la dame ? lui demanda-t-il. Tout le monde se mit à rire. Elle est hors de vos atteintes, lui répondit-on. Il y a deux jours qu’elle est devenue amoureuse d’un jeune homme avec qui elle a été à la grande mosquée ; elle s’est mariée avec lui, et tous deux ont quitté la ville ; ils se promènent maintenant parmi les fleurs. » Timour devint presque fou de douleur. On finit pourtant par le consoler en lui représentant que, n’ayant pas tenu sa parole, elle méritait peu ses regrets. D’un autre côté, l’état civil de Timour aurait bien opposé à ses désirs quelques légers obstacles : il était déjà marié pour le moins une fois ; il avait épousé la fille de Vulli-Khan, très noble chef de bandits qui détroussait les voyageurs sur le grand chemin d’Ispahan. A ses yeux pourtant ce n’était qu’un médiocre embarras. Les Persans ont deux sortes d’épouses, et plusieurs épouses de chaque sorte : les unes liées à leurs maris par des nœuds indissolubles, on les nomme ahdée ; les autres, appelées moutah, ne sont engagées que pour un certain nombre d’années, de jours ou même d’heures ; les unes et les autres sont également honorées quand elles sont fidèles aux termes de leur contrat. Fath-Ali-Châh, aïeul de nos princes, avait huit cents ou même mille femmes de ces deux classes, de deux à trois cents fils et environ cent vingt filles. Il laissa à sa mort cinq mille fils et petits-fils. Jadis Priam n’avait que cinquante enfans ; décidément, l’Orient est en progrès.

On s’attend bien sans doute à ne pas voir les deux constructeurs de Bombay suivre Mohan Lal et les princes persans sur le terrain glissant où ils viennent de se placer. Il n’y a rien là pour la toise ni pour la statistique. Ce n’est pas à dire qu’ils n’auront pas aussi leur petit grain de causticité, mais, en hommes graves et positifs, ils le jetteront sur les coutumes de la vie sociale et politique de l’Angleterre. C’est ainsi que, remarquant l’importance extrême que les Anglais attachent à la lecture des journaux, ils saisiront finement la nuance de comique qui accompagne ce trait caractéristique des pays constitutionnels.

« Nous croyons, disent-ils, que pour bien des Anglais il n’est pas au monde de plus grande jouissance que d’avoir le journal le matin à leur déjeuner, et c’est une chose risible de voir avec quelle promptitude une certaine classe de lecteurs adoptent les opinions de la feuille qu’ils lisent. Le Times prétend que nous aurons