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d’Albion[1]. Il avait pourtant écrit que les roses de l’Angleterre ressemblaient aux joues de ses femmes. Était-ce l’éloge des joues ou la critique des roses ? Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il fit à M. Fraser une très savante dissertation sur les femmes régulièrement belles et sur les beautés piquantes, « salées, » selon l’expression persane. Il conclut en décidant qu’il y avait là aussi peu des unes que des autres.

Nous avons vu comment Mohan Lal mariait les jeunes Anglaises, et souvent ne les mariait pas ; écoutons maintenant le prince Najaf, qui ne traite pas ce sujet délicat d’une façon moins cavalière :


« Voici, dit-il, comment se font les mariages dans ce pays. Les jeunes gens reçoivent d’abord une éducation complète dans les mathématiques et dans les autres branches de connaissances utiles. Les jeunes personnes apprennent à lire, écrire, dessiner et chanter. Puis, à vingt ans environ, voici ce qui se passe : beaucoup de jeunes personnes non mariées vont dans les parcs, dans les jardins publics et autres endroits de plaisir, pour respirer la fraîcheur de l’air. Ces jeunes demoiselles n’ont point de voile : ainsi les jeunes gens ne trouvent aucun obstacle à s’introduire près d’elles et à lier connaissance. Quand une affection durable est née d’une de ces rencontres, le jeune homme, après avoir recueilli quelques informations indispensables sur celle qui l’a inspirée, lui écrit pour lui déclarer son amour et la prier de faire connaître ses sentimens. Si elle ne partage pas cette affection, elle ne fait aucune réponse. Dans le cas contraire, elle favorise le jeune homme d’une réponse aimable, l’assure par écrit qu’elle l’accepte, laissant aux conférences subséquentes le soin de fixer le jour et le lieu du mariage. »


Le mariage à Londres étant chose si facile et si douce, le plus jeune des trois frères, Timour, fut presque tenté d’en essayer. Les princes se faisaient peindre par M. Partridge, leur voisin. Chaque jour, de très belles dames venaient voir le portrait. Un jour, elles s’y rencontrèrent avec les originaux. Ceux-ci les prièrent de s’asseoir, et lièrent tant bien que mal une espèce de conversation. Alors, s’il en faut croire Najaf, l’une d’elles dit à une autre, qui était fort jolie : Je serais bien la femme de votre frère ; malheureusement je n’ai pas de frère pour devenir votre mari. Timour, entendant cela, se prit à dire : Madame, si vous le permettez, je serai votre frère, cela lèvera la difficulté. Les dames furent enchantées de cette saillie, et la proposition fut adoptée au milieu des éclats de rire de tous les assistans. La plaisanterie devint sérieuse pour le pauvre Timour. Depuis ce jour, il ne fit que s’asseoir à côté de la jeune Anglaise et lui tenir compagnie. C’étaient des conversations sans fin, quoique par signes, car on ne parlait pas tout-à-fait la même langue, et néanmoins on s’entendait fort bien. Tout le monde complimentait

  1. Who round the north for paler dames would seek ?
    How poor their forms appear ! How linguid, wan and weak !
    (Childe-Harold, I, 58.)