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Lal ne laissera pas aller ces observations hardies sans leur donner un passe-port. Il ne veut pas se brouiller avec la république.


« Les femmes de l’Angleterre, ajoute-t-il, sont sincères et d’un cœur pur. Elles possèdent toutes les perfections et méritent les plus grands honneurs, les plus profonds respects. Ni intrigues ni hypocrisie ne trouvent place dans leur ame, et s’il survient dans le ménage quelques petits différends, c’est généralement la faute du mari. Telle est mon opinion sur le sexe en Angleterre. »


Cette opinion est-elle bien franche, et les éloges de Mohan Lal prouvent-ils autre chose qu’un désir très naturel de plaire à celles qu’il présente comme si accomplies ? Il nous revient à ce propos une petite anecdote orientale qui trouve d’autant mieux sa place ici, qu’elle nous offre l’occasion d’introduire sur la scène un nouveau voyageur. Il y avait une fois à Londres un ambassadeur persan. Issu d’une famille illustre, mais ruinée, Mirza Aboul Hussein-Khan ne devait ses richesses et sa haute position qu’à son propre mérite. Habile et heureux négociant, versé dans la connaissance des langues et des mœurs de l’Europe, il avait été remarqué par le châh, qui l’envoya en Angleterre. Non moins brillant que Mohan Lal, non moins respectueux en apparence pour les femmes, Hussein-Khan put bientôt compter dans le monde des succès de tout genre ; mais l’ingrat paya fort mal les bontés dont il avait été l’objet. En 1825, un respectable voyageur l’entendit avec indignation, à la cour de Téhéran, se vanter d’avoir emporté à Londres un grand nombre de magnifiques châles et de ne les avoir pas rapportés. Il nommait hautement des duchesses et autres grandes dames, lisait de jolis modèles de style épistolaire, et montrait au châh lui-même une miniature charmante donnée par une charmante main. Il ajoutait un nom, et ce nom était des plus nobles. N’a-t-on pas quelque droit après cela de se méfier à Londres des Orientaux qui parlent de leur discrétion, de leur vénération pour les femmes ?

Les trois Persans vantent les Anglaises avec une effusion qui ne le cède guère à l’enthousiasme de Mohan Lal ; seulement ils ne leur accordent pas les mêmes qualités et ne les louent pas dans le même style : « La plupart des femmes anglaises, disent-ils, sont plus délicates et plus mignonnes que la fleur du rosier : leur taille est plus mince qu’une bague, leur forme est gracieuse, et leur voix gagne le cœur. » Tandis qu’ils étaient à Bath, attendant l’autorisation du gouvernement pour se rendre à Londres, leur solitude fut illuminée par plus d’un visage semblable à l’astre des nuits. Les lionnes des bains, avec l’excentricité qui les caractérise, n’eurent rien de plus pressé que d’aller visiter les jeunes étrangers à leur hôtel. « Du vendredi 11 février au lundi 14, nous n’eûmes autre chose à faire, écrit Najaf, que de regarder les belles filles des chrétiens ; le nombre de celles que nous vîmes en un