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généreuse sont exprimés avec une rare énergie dans deux canzoni qui sont, comme les Trois Sœurs, en possession d’une légitime célébrité. La première est adressée, selon quelques-uns, au cardinal Colonna, selon d’autres et plus généralement, à Cola da Rienzo. Le poète évoque tous les souvenirs de la grandeur romaine pour encourager le tribun, maître absolu de Rome, aux plus hardies entreprises. Il lui parle de tous les hommes illustres qui l’ont précédé dans le gouvernement de cette ville prédestinée ; il lui montre les factions se disputant avec acharnement les derniers débris du colosse romain, et, pour donner à cette peinture plus de vivacité, il personnifie chacune de ces factions, chacune de ces familles, sous la figure des loups, des serpens, des ours, des aigles et des lions dont se composent leurs armoiries. Il y a dans ce caprice poétique une beauté que tout le monde comprendra. La guerre civile ainsi représentée devient plus hideuse, plus révoltante, et cette image sert admirablement le dessein du poète. Après avoir raconté les larmes et les angoisses des femmes, des enfans et des vieillards qui demandent merci et dont la voix suppliante attendrirait Annibal même, la colère des saints dont les dépouilles mortelles sont profanées, les églises servant de refuge aux voleurs et aux meurtriers, les cloches élevées dans les airs pour remercier Dieu donnant le signal du combat, il termine en disant au tribun de Rome « Quelle gloire sera la tienne, quand on te nommera après tant d’hommes illustres ! Ils ont soutenu Rome jeune et forte, et toi, dans sa vieillesse, tu l’auras sauvée de la mort. » Il y a dans toute cette pièce une vigueur, un accent mâle et résolu qui étonne après la lecture des Trois Sœurs. Cette vigueur ne se dément pas un seul instant, et ne coûte rien au poète qui tout à l’heure ne semblait fait que pour chanter l’amour. Dans la canzone adressée aux grands d’Italie pour les exhorter à délivrer leur commune patrie, Pétrarque n’a pas été moins heureusement inspiré. Toutes les strophes de cette pièce sont animées d’un noble orgueil. Dès le début, il parle avec autorité, avec amertume. Bien qu’il désespère du salut, de l’affranchissement de l’Italie, cependant il sait que sa voix sera entendue sur le Tibre et sur l’Arno ; il s’adresse à Dieu et le supplie de jeter un regard compatissant sur ce beau pays qu’il a traité avec tant de prédilection. « Que faites-vous, s’écrie-t-il, que faites-vous, princes d’Italie, de toutes ces épées étrangères ? que faites-vous de ces soldats qui vous ont vendu leur sang et leur ame ? Espérez-vous trouver l’amour et la fidélité dans cette race vénale ? La nature avait pourvu à notre défense en plaçant le rempart des Alpes entre nous et la race germanique. Maintenant les bêtes féroces et le troupeau sont logés dans la même cage, si bien que les bons gémissent toujours. Et pourtant ces barbares que vous appelez