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les membres des cortès qui, sans préférence bien marquée pour les personnes, prêtent au gouvernement un persévérant appui. Enfin viennent les puritains, ayant M. Pacheco à leur tête, et qui forment une sorte de tiers-parti. Ces trois fractions ont chacune sa physionomie, et, sur plusieurs points, elles peuvent, dans des temps calmes et ordinaires, montrer des tendances diverses. Un danger sérieux les réunirait. Le parti progressiste a fait, au sein des cortès, une sorte de profession de foi par l’organe de M. Cortina. Il a toujours eu la prétention, on le sait, de se porter le défenseur de l’indépendance morale de l’Espagne. M. Cortina a reproché au ministère de M. Isturitz d’avoir cédé avec trop de complaisance, dans l’affaire des mariages espagnols, à toutes les vues, à tous les desseins de la France. L’accusation est injuste. Ni le gouvernement français n’a eu de tyranniques exigences, ni le gouvernement espagnol de répréhensibles faiblesses. Comment le représentant du parti progressiste, si ombrageux à l’encontre de la France, couvre-t-il de son silence les menées persévérantes et secrètes de l’Angleterre, qui intervient sans relâche dans les affaires intérieures de la Péninsule ? M. Cortina, en parlant des projets et des futures entreprises du prétendant, a déclaré que ni lui ni ses amis ne se ligueraient jamais avec les ennemis de la liberté. Ces sentimens sont honorables ; mais pourquoi l’orateur progressiste n’a-t-il pas profité de l’occasion pour se plaindre, au sein des cortès, de l’appui que trouvent aujourd’hui dans le gouvernement anglais les intrigues du comte de Moutemolin ? Cet appui n’est plus un mystère. Quand même lord Palmerston n’aurait pas déclaré expressément à M. le comte de Sainte-Aulaire, comme on en fait courir le bruit, que le traité de la quadruple alliance avait cessé d’exister, il suffit de la conduite du ministre whig pour expliquer clairement ses intentions. Ce que se propose lord Palmerston, c’est de menacer de la manière la plus sérieuse l’ordre de choses établi en Espagne ; il pense que de graves complications dans la Péninsule seraient favorables à l’influence anglaise, qui deviendrait maîtresse en poussant au trône le comte de Montemolin, surtout si la reine Isabelle ne donnait pas d’héritiers à la couronne. Voilà donc les whigs devenus les complices du parti apostolique espagnol !

C’est de l’habile générosité de sir Robert Peel que le ministère whig a reçu, dans ces derniers jours, la force et la majorité dont nous parlions en commençant. Sir Robert Peel s’est exprimé en protecteur du cabinet. Lord John Russell s’est empressé d’adhérer à tout ce qu’il avait dit ; il a déclaré qu’il partageait en tous points sa manière d’apprécier la situation du pays. Entre ces deux grandes notabilités parlementaires, lord George Bentinck s’est trouvé singulièrement amoindri et réduit presque à désavouer la pensée d’avoir voulu faire échec au cabinet. S’il proposait d’allouer 16 millions de livres sterling pour la construction de chemins de fer en Irlande, c’était pour venir en aide au ministère. Lord John Russell avait refusé dès le principe cet étrange secours, et il avait fait du vote sur cette motion une question de cabinet. Nous avions prévu la défaite de lord George Bentinck ; elle n’a étonné personne. Cet incident parlementaire n’a été remarquable que parce qu’il a dessiné la nouvelle attitude de sir Robert Peel. L’ancien chef des tories travaille à se recomposer une armée ; il ne veut pas laisser se grossir la fraction qui, faute d’un chef plus expérimenté, a pris lord George Bentinck pour général. Dans les 118 voix qui ont voté avec lord George Bentinck, il faut compter à peu près vingt-cinq Irlandais, ce qui diminue le ba-