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nandVII, détruisant l’œuvre de Philippe V, abolit la loi salique, il satisfit non-seulement sa haine contre son frère, mais encore les secrets désirs des cabinets européens. À leurs yeux, le décret du 29 mars 1830 portait un coup sensible à la puissance de la maison de Bourbon, par le mariage possible de la fille aînée de Ferdinand VII avec un prince étranger au sang de Louis XIV, avec un prince italien ou allemand. On ne sera pas étonné que la cour d’Autriche ait travaillé à obtenir un résultat si désirable pour elle. S’il faut en croire les souvenirs de diplomates qui à cette époque voyaient de près les choses, les jésuites, qui alors étaient puissans à Madrid, ne contribuèrent pas peu à entretenir la division entre Ferdinand VII et son frère. Ils affermirent le roi dans la pensée de révoquer la loi salique, loi fondamentale de la maison de Bourbon, pour rétablir l’antique constitution espagnole. Ce projet fut soumis à M. de Metternich, qui l’approuva, en le communiquant au gouvernement anglais et aux cabinets de Saint-Pétersbourg et de Berlin. À coup sûr, les jésuites ne pouvaient rien faire de plus agréable à la cour de Vienne ; aussi les vit-on, à partir de ce moment, reprendre peu à peu dans les états de la monarchie autrichienne un crédit auquel ils avaient dû renoncer depuis Joseph II. C’était la récompense du service qu’ils avaient rendu. Cependant, lorsqu’une révolution eut porté au trône le chef de la branche cadette de la maison de Bourbon, ce prince, acceptant la situation faite par le décret du 29 mars 1830, continua par d’autres voies la politique de sa race. Il reconnut sans hésiter, à la mort de Ferdinand VII, la jeune reine Isabelle, et résolut d’empêcher qu’elle prît plus tard un époux en dehors de la maison de Bourbon. Au fond, c’était, dans d’autres conditions, toujours la même lutte entre l’Europe et la France au sujet de l’Espagne. Le problème aujourd’hui est toujours là, aussi compliqué, aussi épineux. Est-il vrai qu’aux yeux de quelques politiques le meilleur moyen de le résoudre serait le rétablissement de la loi salique ? Alors, dans le cas où le mariage de la reine Isabelle serait stérile, la couronne appartiendrait aux fils du second frère de Ferdinand VII, don François de Paula. Le pouvoir souverain des cortès consacrerait cette combinaison, qui écarterait ainsi du trône Mme la duchesse de Montpensier et ses enfans. Ce serait faire assez bon marché de la dignité de la France que de lui conseiller de donner les mains à ce nouveau changement, ou du moins de l’accepter avec résignation. Une semblable adhésion, serait aujourd’hui un acte de faiblesse. Quant à l’avenir, la nation espagnole est seule maîtresse de ses destinées ; c’est à elle de prononcer. Depuis dix-sept ans, elle donne au décret du 29 mars 1830 l’incontestable sanction de son consentement ; sans doute elle ne le révoquera pas avec une légèreté capricieuse. Pour ne nous occuper que de la France, qui a si complètement acquiescé aux conséquences du décret de Ferdinand VII, elle a le droit d’en attendre le libre développement. Ce n’est pas la France qui a obsédé Ferdinand VII pour changer l’œuvre de Philippe V. Elle doit aujourd’hui continuer de faire ce qu’elle a fait constamment depuis 1830, respecter l’indépendance et la volonté de la nation espagnole, et en même temps ne pas permettre que dans la Péninsule il s’établisse rien de menaçant pour sa sécurité et pour ses intérêts. Ce dernier point est capital, et il ne comporte ni concessions ni faiblesses. L’Europe retrouve aujourd’hui la France pratiquant la même politique qu’au commencement du XVIIIe siècle, cherchant dans l’Espagne