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il figurait encore à côté de l’ogive dans celle de Touloun ; dans El-Azar, il a presque disparu. Le fer-à-cheval est le plein cintre de l’architecture orientale. L’ogive lutte contre le fer-à-cheval en Égypte comme elle lutte contre le plein cintre en Europe ; mais elle arrive à remplacer le premier environ deux siècles avant de remplacer le second. Ce sont deux siècles d’antériorité qu’a l’architecture ogivale d’Orient sur la nôtre ; mais cette antériorité ne tranche pas encore, selon moi, la question d’origine. On voit aux bords du Rhin, en Normandie, dans la Marche de Brandebourg et ailleurs, l’architecture passer trop naturellement et trop spontanément du plein cintre à l’ogive pour qu’on puisse admettre que, dans tous les cas, celle-ci ait une provenance orientale ; peut-être a-t-elle plusieurs principes et dérive-t-elle ici de l’architecture romane transformée, là de l’architecture arabe importée ; il en serait de l’ogive comme de la rime, qu’on voit naître chez les poètes de la basse latinité et qu’on retrouve chez les Arabes. Je regrette de n’avoir point visité l’intérieur de la mosquée El-Azar ; elle est curieuse par tout ce qu’elle contient. C’est une maison d’enseignement aussi bien qu’une maison de prière ; c’est une véritable université. On y fait douze cours, les uns sur la religion, les autres sur la jurisprudence, les autres sur les sciences mathématiques et la littérature. L’assassin de Kléber y avait passé plusieurs jours, et les leçons qu’il y avait entendues avaient nourri son fanatisme. La mosquée El-Azar est comme un vaste asile toutes les nations mahométanes y ont leur demeure marquée dans des bâtimens séparés. Ces établissemens particuliers sont au nombre de vingt-six. Dans cette hospitalité cosmopolite il y a de la grandeur ; c’est une sorte de catholicisme musulman.

On voit qu’une mosquée se compose souvent d’un ensemble de bâtimens destinés à des usages fort différens. Dans l’histoire des premiers siècles de l’hégire, la chaire des mosquées sert constamment de tribune aux harangues ; on trouve dans celle d’Amrou un okel pour les voyageurs, des écuries pour leurs chevaux ou leurs chameaux, et un bain public. A celle d’El-Azar est jointe une école, à celle de Kélaoun est annexé un hôpital, le Moristan, destiné surtout aux aliénés, et qui fut le produit des remords de Kélaoun. Touloun fonda près de sa mosquée une pharmacie et des consultations gratuites pour les pauvres. La beauté de ces mosquées montre que, sous les dynasties qui les ont élevées, le Caire était une ville riche et florissante. Les monumens donnent toujours la mesure de la civilisation d’un peuple.

Après la conquête turque, accomplie par Sélim au commencement du XVIe siècle, on ne bâtit plus de belles mosquées. Les dynasties qui jusque-là avaient gouverné l’Égypte s’étaient incorporées au pays ; mais le Turc a toujours été un maître étranger, le pire des maîtres, et