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on y lit le nom de Menès, le premier roi de la première des dynasties égyptiennes, le prédécesseur des Pharaons de la quatrième, qui ont élevé les pyramides. Qu’on imagine ma joie, quand Clot-Bey tira d’une cave ces précieux morceaux que n’avait pas vus M. Lepsius, et quand j’y pus lire en beaux hiéroglyphes le nom le plus ancien de l’Égypte et de l’histoire ! Malgré le désir que j’en aurais, je ne puis cependant me figurer que cette planche et les hiéroglyphes qui la couvrent remontent au temps du roi Menès : ce serait alors le plus ancien monument écrit. Malheureusement l’inscription hiéroglyphique ne se prête pas à cette conclusion ; on y voit que le personnage auquel appartenait le cercueil était prêtre de plusieurs dieux, dont les noms sont énumérés dans l’inscription. Ces dieux sont Osiris, Thot, Phta et Menès. Menès, venant ainsi après des dieux connus du panthéon égyptien, figure évidemment ici comme une divinité dont l’hôte du cercueil était le desservant, ainsi qu’il l’était aussi des autres dieux auxquels Menés est associé. On ne peut admettre que ces mots prêtre de Menés veuillent dire ici que le personnage en question fût le chapelain ou l’aumônier de ce roi, car le défunt est avec Menès dans le même rapport qu’avec Osiris, Thot et Phta, et ce rapport, ne peut être, par conséquent, que celui d’un prêtre avec la divinité au culte de laquelle il était consacré.

C’est un exemple de plus de l’apothéose des rois d’Égypte, si fréquente sur les monumens. Du reste, le roi fondateur de la monarchie égyptienne n’en est pas ici le seul objet. Dans la partie de l’inscription qui correspond à celle où il est parlé du roi Menès, le défunt est dit prêtre des mêmes dieux et d’un autre roi dont le cartouche est symétriquement opposé à celui de Menés. Ce cartouche, que je n’avais vu dans aucun recueil publié, et que je crois avoir signalé le premier[1], se lit Sor. M. Prisse y voit avec beaucoup de vraisemblance le nom du roi Soris. Ainsi, bien que le monument ne soit pas contemporain du roi Menès, il n’en est pas moins d’un haut intérêt, puisqu’il présente le nom très rarement trouvé de cet antique roi, et de plus un autre nom de roi jusqu’ici inconnu, et que j’ai été assez heureux pour découvrir ou du moins pour publier le premier. Le nom de Menès est également gravé sur une lame d’or appartenant à Clot-Bey. J’en parlerai à propos de la collection du docteur Abbot.

Cette collection est la rivale de celle de Clot-Bey. Ici sont également de charmantes statuettes. Des sandales à la poulaine montrent que cette mode bizarre est plus ancienne que le moyen-âge. Des castagnettes, si leur origine est bien authentique, font voir que cet instrument, qui accompagne aujourd’hui les danses des almées, et qui est venue aux

  1. Dans ma lettre à M. Villemain, qui a paru dans le Journal de l’Instruction publique.