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par leur mollesse et leur blancheur, vêtement favori des prêtres égyptiens. Hérodote connaissait une laine végétale[1], qui ne peut être que le coton, mais, selon lui, elle provenait des Indes ; il parle bien d’une cuirasse de lin brodée en or et en laine végétale qui avait appartenu à Amasis, roi d’Égypte, mais ce coton pouvait lui-même être venu de l’Inde. Il n’y a donc pas de témoignage qui établisse avec certitude que le coton existât en Égypte avant le temps de Pline ; et, quand on remonterait jusqu’à Hérodote, cela ne prouverait rien pour une époque plus ancienne[2]. Maintenant que disent les monumens ? Sur aucun d’eux on n’a vu représentée la culture ou la récolte du coton. L’on n’a pas trouvé d’une manière certaine le nom de cette plante écrit en hiéroglyphes. Au contraire, on a vu plusieurs fois représentée la moisson du lin, dont le nom est toujours écrit à côté de la plante.

C’est déjà une forte présomption en faveur de l’emploi du lin, de préférence à celui du coton, chez les anciens Égyptiens. Quant aux toiles qui enveloppent les momies, les opinions ont été partagées. On a d’abord affirmé, et Rosellini a répété[3], que les toiles des momies étaient en coton. L’observation microscopique a démontré, au contraire, qu’au moins dans le plus grand nombre des cas, ces toiles étaient de lin. Ce fait paraît acquis à la science[4]. Il ne s’ensuit pas rigoureusement que la toile de coton, connue des Égyptiens au temps de Pline et même au temps d’Hérodote, leur fût entièrement inconnue plus anciennement, quand leur pays est si voisin de ceux où le coton paraît croître naturellement. Ce qui est certain, c’est que le coton était, en tout cas, d’un usage infiniment plus rare que le lin. Ces considérations ne rendent que plus curieux les échantillons de toile de coton qui peuvent se trouver dans les collections, et en particulier dans celle de Clot-Bey. Du reste, un microscope eût tranché la question, car le fil de lin est plat et celui du coton est arrondi.

Une autre question se présente : les Égyptiens connaissaient-ils-le fer ? Voici chez Clot-Bey une hachette et deux petits hoyaux qui sembleraient

  1. Virgile a dit :
    Quid nemora AEthiopum molli canentia lanâ.
  2. On a voulu que le mot bussos, en latin byssus, en hébreu butz, désignât le coton ; mais dans plusieurs cas au moins ce mot ne peut avoir été employé que pour désigner le lin. Hérodote dit qu’on enveloppe les morts dans des toiles de byssos ; on va voir que les momies sont en général enveloppées dans des toiles de lin. Hérodote nous apprend ailleurs que le byssos était employé à panser les blessures, ce qui, ainsi que l’a remarqué M. Penot (Mémoires de la Société de Mulhausen, t. 14, 72), convient mieux au lin qu’au coton. L’expression byssos paraît avoir été appliquée à des substances diverses.
  3. Monumenti civili, I, 354.
  4. C’est l’opinion de MM. Thompson, Ure et Baines. Cependant M. Bowring dit avoir trouvé parmi les momies d’Abydos une grande quantité de raw cotton employed to wrapping round the bodies of the children. — Report on Egypt. and Candia, p. 19.