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et belge, quoique cette vérité ne soit pas aussi absolue qu’on le prétend ; mais, quelle que soit l’importance du combustible dans la fabrication de la fonte et du fer, ce n’est pas le seul objet qui soit à considérer ici. L’abondance et le bas prix du minerai sont bien aussi de quelque poids. Or, à cet égard, l’industrie française est en général plus favorisée qu’aucune autre. Le prix moyen du quintal de minerai rendu aux fonderies et préparé pour la fusion a été, en 1844, de 1 fr. 27 cent. « Si on faisait abstraction, disent les auteurs du Compte-rendu, de la redevance, charge qui est en dehors des conditions techniques, et des transports, dont les frais se réduiront encore à l’avenir, le prix du quintal de minerais propres à la fusion ne serait que de 0 fr. 57 cent. Ce chiffre est fort inférieur à celui qui serait calculé sur les mêmes bases pour la plupart des districts de forges de l’Europe et surtout de la Grande-Bretagne ; il prouve suffisamment que le sol de la France est riche en minerai d’extraction facile[1]. » Le bas prix du minerai pourrait donc compenser dans bien des cas, pour la France, la cherté relative du combustible. Ajoutez à cela que s’il arrivait, sous l’empire du commerce libre, que l’industrie anglaise fût en mesure d’introduire sur nos marchés une quantité considérable de ses produits, ce qui n’aurait d’ailleurs rien d’effrayant pour notre industrie, puisqu’alors la consommation. augmenterait, dans cette hypothèse, disons-nous, les redevances s’élèveraient en Angleterre, par suite de l’accroissement même de la production, tandis qu’elles se maintiendraient en France à leur niveau présent, ce qui achèverait d’égaliser les conditions. Cela posé, nous disons que la métallurgie française, prise dans son ensemble, est parfaitement en état de soutenir, même à armes égales, la concurrence étrangère, ou du moins qu’elle le pourra du jour où elle voudra sérieusement l’entreprendre. Seulement il est nécessaire qu’on l’y contraigne ; elle n’y arrivera jamais sans cela. Ce n’est pas à dire qu’il faille, du jour au lendemain, supprimer entièrement les droits un tel changement serait trop brusque, et le pays n’y est d’ailleurs pas préparé ; mais on peut du moins, et cela nous paraît nécessaire, réduire dès aujourd’hui ces droits de moitié. « L’habitude acquise par les maîtres de forges, dit M. Rigaud de la Ferrage, d’obtenir de beaux résultats pécuniaires sans efforts et sans nulles dépenses sera pendant long-temps encore un obstacle à tous les changemens qu’il leur serait utile d’introduire dans leur fabrication. » Sans doute ; mais ces habitudes funestes se perpétueraient sans terme, si le régime actuel n’était largement modifié. Le seul moyen de les rompre, sans violence pourtant, c’est d’opérer immédiatement sur les droits protecteurs un dégrèvement notable, avant-coureur d’une suppression totale. Le droit actuel

  1. Compte-rendu des ingénieurs des mines, de 1845, p. 119.