Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/890

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et du minerai, aux forges étrangères (et on a vu que la France en compte un très grand nombre dans ce cas), persistent à vendre leurs fers à des prix incomparablement plus élevés ? Ce phénomène s’explique par un seul mot, le monopole. Les partisans des restrictions refusent en général de reconnaître la funeste influence de ce principe. Rien n’est pourtant mieux attesté par l’histoire. Partout où le monopole a existé, on a vu les prix se maintenir, en dépit de toutes les circonstances favorables, sans que le progrès même y pût rien. Tous les faits présens et passés confirment cette donnée ; il n’y a point de vérité mieux établie. Malheureusement la force de cette vérité est trop souvent affaiblie, il faut le reconnaître, par l’abus qu’en font certains amis de la liberté commerciale. En appliquant mal à propos à toutes les industries protégées ce qui n’est rigoureusement vrai que de celles qui s’attachent à la terre, ils se jettent dans le faux et fournissent ainsi à leurs adversaires une réponse toute prête. Objecte-t-on à ces derniers que les lois prohibitives, en constituant le monopole au profit des producteurs indigènes, empêchent la baisse des prix, ils signalent aussitôt la baisse extraordinaire opérée depuis trente ans, en dépit même des prohibitions les plus absolues, sur tous les articles manufacturés. La réponse est juste, et sur ce terrain ils ont raison. C’est qu’en effet, quoi qu’on en dise, il n’y a point de monopole pour les manufactures, parce que, le nombre des établissemens étant illimité, indéfini, la concurrence intérieure suffit toujours, quand les circonstances sont d’ailleurs favorables, pour modérer les prix. Aussi, dans la grande lutte actuellement engagée sur la question du libre échange, si quelques-uns de ceux qui défendent les droits protecteurs peuvent être considérés comme des calculateurs égoïstes, la plupart des industriels qui suivent la même bannière, les manufacturiers, les fabricans, les mécaniciens, les armateurs, tous ceux enfin qui sont exposés à l’intérieur à une concurrence indéfinie, sont tout simplement des dupes. Mais l’existence du monopole n’est que trop réelle par rapport aux industries qui s’attachent à la terre, c’est-à-dire pour l’agriculture et pour l’exploitation des mines, parce qu’ici le nombre des établissemens est, par la nature des choses, limité et défini. C’est donc sur les produits de l’agriculture et des mines que l’influence du monopole se fait sentir. C’est dans ces deux directions que nous voudrions voir les protectionistes nous signaler une baisse quelconque obtenue par le seul progrès du temps. Qu’ils nous montrent un seul produit agricole dont le prix ne se soit pas maintenu ou même élevé, en France, depuis l’établissement des lois restrictives. S’ils peuvent mentionner une baisse réelle, assez faible d’ailleurs, sur les prix des fers et des houilles, qui ne sait que cette baisse est due uniquement à la réduction des droits effectuée en 1836 ?

Ce que nous disons de la France ne se justifie pas moins pour la Belgique.