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partisans du monopole. Oh ! s’ils voulaient réellement écouter et suivre les conseils de l’expérience, la question qui nous occupe serait bientôt résolue ; mais ils s’en gardent bien. Ce qu’ils écoutent, ce sont leurs préjugés aveugles et les suggestions, trop souvent trompeuses, de leur intérêt privé. Quant à l’expérience, ils trouvent bien plus commode de l’invoquer que de la consulter.


II.

Quoique l’on rencontre encore çà et là, dans quelques autres groupes de forges, des usines qui font usage de la houille, ou seule, ou mélangée de charbon de bois, ce combustible n’y est plus guère employé que par exception et généralement à des prix fort élevés, tant parce qu’il manque dans le pays que parce que les arrivages du dehors sont difficiles. Il y a même quelques groupes où il faut presque désespérer de voir jamais ce combustible employé d’une manière avantageuse et générale. Est-ce à dire que les usines de ces contrées doivent périr ? Tout le travail au, bois est-il destiné à disparaître ? Ces anciennes exploitations, qui ont si long-temps fleuri, seront-elles condamnées sans retour ? Quelques hommes très éclairés le pensent. Ainsi, M. Ch. Collignon, dans l’ouvrage que nous avons déjà cité[1], déclare hautement que, si les houilles de Sarrebruck ne leur viennent bientôt en aide, c’en est fait de toutes les forges de l’est. Quelque juste considération que nous ayons pour l’opinion de cet homme distingué, si versé d’ailleurs dans la connaissance des choses dont il parle, nous sommes loin d’accepter d’une manière générale un jugement si sévère, qui nous paraît du moins sujet à bien des restrictions.

Qu’on ne pense pas que nous voulions ici faire de l’optimisme à tout prix, uniquement afin de prouver que le retour à la liberté des échanges ne causerait dans le pays aucun trouble, aucune perturbation fâcheuse. S’il nous apparaissait, après un examen sérieux, que l’application du principe de liberté dût être fatale à un certain nombre de nos forges, à toutes celles même qui sont réduites à travailler le fer au charbon de bois, nous le dirions sans détour, parce qu’une telle vérité, si importune qu’elle pût être, n’altérerait en rien nos conclusions. Il ne serait assurément ni raisonnable, ni juste de prétendre que, pour assurer l’existence de quelques établissemens particuliers, placés dans de mauvaises conditions de production, et par là relativement stériles, la France dût sacrifier tant d’industries vitales, dont le fer est l’aliment ou le soutien. Nous dirions : C’est un malheur, mais qu’y faire ? Que ces

  1. Du Concours des Canaux et des Chemins de Fer, par M. Ch. Collingnon, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées.