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abondance orné son sujet de fleurs plus ou moins étrangères, il faut bien qu’il y reste encore un peu d’aridité.

Je laisse maintenant les accessoires pour aborder le principal. Si je pénètre au sein même de cet ouvrage tant de fois ressassé sans avoir été corrigé jamais, quel labyrinthe, hélas ! quels perpétuels recommencemens, ainsi que disait Mme de Sévigné en parlant de choses plus amusantes ! On prend et reprend les mêmes questions dans dix chapitres. On revient sans cesse sur ses pas, on se heurte toujours à l’improviste contre des groupes entiers d’événemens ou d’idées qui ne sont point à leur place. J’ouvre le livre : à l’entrée du premier volume de l’édition de 1846, je rencontre, comme dans l’unique volume de 1843, des méditations plus ou moins fondées sur les origines et les langues bretonnes, sur les institutions bretonnes et gauloises, sur l’état des personnes, la clientelle, le vasselage, le colonat, les privilèges de la noblesse, la nature de l’autorité royale et des assemblées politiques, plus un résumé général de l’histoire de la Gaule et de la Bretagne sous les Romains. On traverse tout cela pour arriver à la Physionomie du sol, qui, en bonne conscience, aurait dû passer la première. En revanche, le lecteur est ensuite lancé d’un coup jusqu’à la fin des Mérovingiens, et là M. de Courson, se rappelant par hasard qu’en 1843 il n’avait rien dit de l’établissement du christianisme, vous prie solennellement de rétrograder jusqu’à la chute de l’empire et d’assister aux plus antiques prédications des apôtres de l’Occident. Il faut donc maintenant quitter les dernières années du VIIIe siècle pour retourner aux temps de Pélage, de saint Patrice et du moine Augustin ; nous y gagnons une longue dissertation sur le pélagianisme, une pompeuse apologie du siége de Rome : c’est un peu tardif, un peu discursif ; mais, en tout, mieux vaut tard que jamais, et n’était-il pas juste de dire enfin leur fait à M. Michelet et à M. Thierry, toujours suivant la mode bretonne, « d’après le témoignage de Girald le Cambrien ? » Nous voici d’ailleurs remis en route, et nous allons presque cette fois jusqu’au XIe siècle. Voilà, par malheur, une autre pierre d’achoppement. En 1843, M. de Courson ne connaissait encore des lois galloises du roi Hoel-da que la traduction latine de Wotton, « qui l’avait rebuté. » Un ami trop bienveillant a eu la fatale « courtoisie » de lui communiquer la traduction anglaise publiée en 1841 par M. Aneurim Owen ; il en a prodigieusement abusé. « Avant de dérouler nos annales depuis le XIe siècle jusqu’à la fin du XVe, dit-il en terminant le premier volume, je crois devoir m’arrêter ici à des recherches et à des considérations d’un autre ordre, et qui, si elles ne sont pas historiques dans le sens convenu et vulgaire de ce mot, le sont incontestablement dans un sens plus large et plus relevé. » C’est là ce qui s’appelle crier gare. Il n’en est pas moins vrai que, s’il y a quelque amateur opiniâtre de ces considérations trop larges pour être historiques,