Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/869

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si nos désavantages quant à l’emploi du combustible étaient aussi grands, aussi irrémédiables qu’on affecte de le dire, il n’y aurait, selon nous, qu’une seule conclusion raisonnable à tirer de tout cela : c’est que la France ferait très sagement de renoncer à fabriquer le fer ; car prétendre qu’elle doive se vouer éternellement à un travail ingrat, condamner éternellement toutes ses industries à une infériorité désolante en renchérissant leurs instrumens, et cela pour le seul plaisir de se dire qu’elle produit elle-même le fer qu’elle consomme, ce serait une bien étrange folie. Quant aux ouvriers, au nombre de quarante-neuf mille, et non pas quatre cent mille, comme on l’a dit quelquefois, que l’industrie du fer occupe, outre qu’ils pourraient trouver de l’ouvrage dans toutes les branches de l’industrie que le bas prix du fer aurait régénérées, la France ferait un excellent calcul si elle les entretenait à ne rien faire plutôt que de les occuper à ce prix. Répétons-le d’ailleurs, le tableau qu’on nous présente est singulièrement forcé, et il sera facile de s’en convaincre.

C’est sur la rareté et l’insuffisance de la houille que l’on insiste le plus, et la raison en est que, l’Angleterre et la Belgique, où le fer se travaille exclusivement à la houille, étant précisément les deux pays de l’Europe qui le produisent à plus bas, prix, on suppose, à tort ou à raison, que ce combustible, employé dans ses conditions normales, est de beaucoup le plus économique. Cette conclusion un peu précipitée n’est peut-être pas tout-à-fait inattaquable, et il y aurait lieu d’examiner si le charbon de bois, employé aussi dans ses conditions normales, donnerait des résultats si différens de ceux qu’on obtient avec la houille. Acceptons-la pourtant, et voyons d’abord si, dans cette hypothèse, la France est réellement, et partout, aussi mal partagée qu’on le prétend.

Quand nous jetons les yeux sur la carte métallurgique de la France, où les forges sont divisées en douze groupes, assez irrégulièrement tracés, mais distincts, nous apercevons d’abord, à l’extrémité nord, le groupe des houillères du nord, ainsi nommé parce qu’il a son centre et son siège principal au beau milieu du bassin houiller de Valenciennes. Le combustible y est, comme on l’a déjà vu, très abondant et à bas prix. Il est même moins cher pour les producteurs français que pour leurs concurrens belges, qui se trouvent en contact moins direct avec les mines. Ainsi, dans les forges d’Anzin, l’hectolitre de houille ne coûte actuellement que 1 franc 25 cent., et ce prix venant encore à baisser de 15 centimes, plus le décime, si l’importation des charbons de Mons était franche de droits, il se réduirait effectivement à 1 franc 8 centimes[1], tandis que le même charbon revient en moyenne à 1 fr.

  1. Le dernier Compte-rendu de l’administration des mines ne porte le prix actuel du quintal métrique de houille, pris sur la fosse, à Valenciennes, qu’à 1 fr. 03 centimes. Les prix que nous donnons ici sont ceux indiqués dans un précieux mémoire dû à un ingénieur civil, M. Rigaud de la Ferrage, qui a dirigé les forges d’Anzin et quelques-unes de celles de la Belgique. Nous avons adopté ces derniers prix comme plus rigoureux, quoiqu’ils soient moins favorables à notre thèse.