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général de bonne qualité ; pour mieux dire, on y trouve à peu près toutes les qualités de fer, depuis les meilleures jusqu’aux plus communes, sans en excepter l’acier naturel, dit acier de forge, que l’Angleterre ne produit pas et qu’elle demande actuellement à la Suède. En outre, le minerai de fer est presque partout en France d’un emploi singulièrement facile, puisqu’on le trouve généralement dans des minières situées à ciel ouvert[1], où on n’a qu’à le ramasser pour le lavage, tandis que dans beaucoup d’autres pays, et particulièrement en Angleterre, il faut ordinairement, pour le mettre en œuvre, l’extraire au préalable de puits plus ou moins profonds. Ne semble-t-il pas que, dans une situation semblable, la France, au lieu de gémir sans cesse sur la prétendue infériorité de sa situation, de redouter comme un fléau la concurrence étrangère, et de resserrer la triple ceinture de ses douanes de peur d’une invasion, devrait provoquer hardiment la lutte, lancer elle-même ses fers sur le marché européen et aspirer hautement à y tenir le premier rang ? Ne nous hâtons pourtant pas de conclure. En faisant le tableau, assez brillant d’ailleurs, de notre situation réelle, n’oublions pas les traits qui le déparent.

On objecte, et ce n’est pas tout-à-fait sans raison, que ces avantages incontestables sont amoindris, sinon entièrement annulés, par l’insuffisance du combustible. Deux sortes de combustibles sont maintenant employés, selon les circonstances et les pays, au traitement du fer : le charbon de bois et la houille, ou, mieux encore que la houille, le coke qui en provient. Pour le traitement du fer par le charbon de bois, la France, dit-on, n’est pas aussi bien partagée que la Suède et l’Autriche, qui produisent ce combustible en bien plus grande abondance et à plus bas prix. Pour le traitement par la houille, elle est loin de pouvoir soutenir la comparaison avec l’Angleterre et la Belgique. Ce qui rend, ajoute-t-on, sa situation particulièrement désavantageuse quant à l’emploi du combustible minéral, ce n’est pas encore tant que la houille lui manque, c’est que malheureusement les houillères n’y sont pas, comme en Angleterre et en Belgique, contiguës avec les gîtes de minerai ; qu’elles en sont, au contraire, généralement séparées par de grandes distances, et qu’en raison de cette circonstance fâcheuse, nos maîtres de forges ne peuvent obtenir le combustible minéral qu’à des prix très élevés. Il y a certainement quelque chose de vrai dans ces allégations ; mais on les exagère outre mesure, et surtout on généralise beaucoup trop ce qui ne s’applique rigoureusement qu’à certains cas particuliers.

  1. On compte en France 1,598 minières exploitées, et seulement 103 mines. Le nombre total des minières, exploitées ou non exploitées, est de 1,915 ; le nombre total des mines n’est que de 162. — (Voyez le Compte-rendu des ingénieurs des mines pour 1845.)