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le mouvement du port de Marseille fut entrées et sorties comprises, de 5,059 navires et de 684,180 tonneaux, et il n’est pas nécessaire de dire si, de 1793 à 1815, il tombait au-dessous de ce chiffre : il excède aujourd’hui 18,000 navires et 2 millions de tonneaux, et doublera probablement avant qu’il soit vingt ans. La supériorité de valeur des bâtimens à vapeur ajoute à la nécessité des précautions à prendre pour la conservation du matériel. D’un autre côté, sous l’empire, l’Algérie ne nous donnait pas à exploiter et à défendre, en face des côtes de Provence, une nouvelle étendue de 250 lieues de côtes, et les ports que nous creusons en Afrique doivent, aussi bien que les chemins de fer que nous ouvrons dans notre intérieur, réagir sur le développement de nos ports de la Méditerranée. Enfin le mouvement naval ne sera pas toujours le seul à protéger le long de la côte que nous venons de parcourir : un jour, qui n’est pas loin peut-être, le chemin de fer de Marseille à Toulon passera sur les quais de la Ciotat, de Bandol, de Saint-Nazaire, et cette ligne acquerra, en temps de guerre, une importance proportionnée à celle des opérations dont Toulon sera le foyer. Le passage de la Ciotat doit être le pivot de sa défense ; il serait son point le plus vulnérable, si la place et la rade étaient laissées dans leur état actuel. Tandis que les intérêts à sauvegarder prennent de telles proportions, les moyens d’attaque grandissent, et la machine à vapeur introduit dans la tactique navale un élément dont la puissance n’était pas soupçonnée il y a trente ans. Les moyens de défense doivent se mettre à leur niveau.

Par un concours de circonstances peu commun, même dans les mesures qui ont la navigation pour objet, il n’est aucun des travaux à exécuter sur cette partie de la côte qui ne desserve à la fois de grands intérêts commerciaux et de grands intérêts militaires, et, quand les industries de la paix profitent de toutes les dépenses faites pour la guerre, il est permis d’entreprendre avec confiance.

Le cap Sicié, avec ses roches abruptes, ses crêtes sourcilleuses, enveloppe la rade de Toulon comme une immense fortification. Derrière ce rempart formidable, tout change d’aspect ; les pavillons étrangers s’y montrent à peine, et la marine marchande s’y efface devant la marine militaire.

J.-J. Baude.