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autre Gibraltar, bien autrement incommode pour nous que ne l’est pour l’Espagne celui dont ils s’emparèrent en 1704, car l’ulcère eût été sur le cœur même de notre établissement maritime.

L’île Verte est donc une de ces positions où il faut être en force, non-seulement à cause de leurs avantages directs, mais aussi pour empêcher que d’autres ne s’en emparent. Par sa jonction avec la côte, l’île lui serait essentiellement subordonnée ; l’attaque en deviendrait plus dangereuse, la défense plus facile, et, nous fût-elle enlevée, il serait impossible à l’ennemi de s’y maintenir. Cette impossibilité suffirait probablement à elle seule pour faire renoncer à des entreprises impuissantes à produire aucun résultat durable. Avertis comme nous l’avons été, les Anglais laisseraient-ils un poste de l’importance de l’île Verte à l’état où il a manqué être enlevé ? A les voir à Malte et à Gibraltar, il est présumable que non.

De la Ciotat à Saint-Nazaire, l’agriculture se ressent à peine des obstacles que met ordinairement à ses progrès l’imperfection des communications : la campagne a partout l’aspect d’un riche verger ; la vigne, le figuier, l’olivier, se disputent l’espace ; les hauteurs sont souvent couronnées de beaux bois ; il n’est point de parcelle de terre à laquelle le travail n’impose un tribut, et cette activité agricole alimente le commerce des petits ports voisins.

La baie de Bandol communique avec les riches vignobles du Bausset par une délicieuse vallée et une bonne route : on en exporte les meilleurs vins du pays ; les expéditions sont ordinairement de 60 à 80,000 hectolitres pour Marseille, et de 30 à 50,000 pour les ports de l’Océan ; il se fait même un petit nombre de chargemens pour l’étranger, et le mouvement total, à l’entrée et à la sortie, approche de 18,000 tonneaux. Le bourg, peuplé de 1,800 habitans, est défendu par une bonne fortification, assise sur la pointe qui ferme la baie à l’ouest. Il n’a encore sous ses murs qu’une calanque où les bâtimens de commerce ne mouillent qu’à moins de 500 mètres de terre ; du reste, l’ancrage est excellent, et du sud-sud-est au sud-ouest, en passant par le nord, la baie est parfaitement abritée par les montagnes voisines. Jusqu’à présent, on roule à la mer et l’on conduit à la remorque, en les mettant en chapelet, les barriques destinées à être embarquées : la construction d’un môle, pour lequel la loi du 16 juillet 1845 accorde 1 million, va mettre un terme à cette pratique. Le rayon d’approvisionnement du port ne pouvant pas être sensiblement accru, son commerce restera à peu près ce qu’il est ; mais il se fera avec plus d’économie et de sûreté, et la condition des gens de mer sera fort améliorée. C’est dans la baie de Bandol que Joseph Vernet a placé la scène de son tableau de la pêche du thon.

Saint-Nazaire est à trois kilomètres à l’est de Bandol, au fond d’une