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Ce n’est donc point gâter ses affaires que de croire médiocrement à la vertu du régime qui vous emploie. La mode a gagné peu à peu jusque dans le public, et certain scepticisme attristé, au sujet des matières politiques, est de mise à présent dans les meilleurs lieux. J’avoue que le pays et la constitution ne me semblent pas encore en danger, parce qu’il plaît aux habiles de douter de la constitution et du pays ; je ne voudrais pas cependant qu’on les aidât si perfidement à rabaisser les lois que nous tenons de nos pères, en exaltant à faux celles que nos pères ont déchirées. Nous avons un commencement d’aristocratie bâtarde qui a déjà commandé ses généalogies chez les d’Hozier, tout à point ressuscités d’hier ; nous avons des fidèles plus royalistes que le roi, des administrateurs qui portent en gémissant les conséquences de la révolution qui les a placés ; nous avons de beaux esprits à la recherche des forces gouvernementales et de belles dames bourgeoises qui jouent au grand siècle. Tout ce monde-là s’enthousiasme quand on lui retrace de si flatteuses images des gloires effacées qu’il aimerait bien continuer, n’était le mauvais esprit du jour, un esprit d’indépendance et d’orgueil que l’on ne peut déshabituer de ses chimères d’égalité. Certes, on ne pousserait pas le goût des manières féodales jusqu’à s’insurger contre la cour ; mais on tiendrait assez à réprimer un peu le populaire en l’édifiant davantage sur la hiérarchie éternelle des classes. Aussi faut-il voir comme on accueille cette mauvaise science infatuée de réhabilitations impossibles : elle est par excellence morale et profonde, elle console, elle guérit des misères du présent. Il semble, en vérité, qu’elle procure des ancêtres à ses panégyristes.

En attendant, elle fait fortune, elle envahit tout, elle multiplie ses recrues, et les adeptes lui viennent à coup sûr, parce que, visant à la quantité, elle les dispense de la qualité ; les grands noms lui manquent, mais, en revanche, elle insulte presque tous ceux de notre temps ; elle fabrique des réputations de cénacle, et travaille, avec la patience des coteries, à les imposer au dehors. Jusqu’ici du moins la vraie science avait repoussé cet opiniâtre assaut qu’on lui livrait : elle n’avait rien voulu connaître de cette originalité mensongère, de ces inventions creuses, de ces chefs-d’œuvre indigestes qu’on daignait lui apporter comme des merveilles sans prix ; à tous ces mérites dûment cuirassés d’arrogance, la vraie science, discrète et sévère, avait toujours répondu : Nescio vos. C’est elle maintenant qui les couronne, et voilà comment il est bien force de parler un peu du livre de M. de Courson.

Je le dis tout de suite, la meilleure excuse, la seule recommandation de ces étranges volumes, c’est la sincérité très probable des bizarreries de l’auteur. Avec moins de bonne foi, M. de Courson eût mis plus de tact dans ses procédés et surtout plus d’esprit dans ses paradoxes. Pour