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raja Goulab-Sing, représentant le gouvernement anglais. Le gouvernement de Lahore fut sommé de faire reconnaître et exécuter par ses sujets les stipulations du traité du 9 mars 1846. Un détachement anglais fut mis en campagne pour appuyer et aider au besoin les armées combinées des maharajas Dhalip et Goulab-Sing, envoyées sur les lieux pour la régularisation de cette affaire. Sheik-Imam-Oud-Din fit alors savoir au gouvernement anglais qu’il n’agissait que d’après les ordres mêmes de la régence de Lahore, et qu’il n’avait levé l’étendard de l’insurrection que sur le mandat impératif et en conformité des instructions écrites qu’il avait reçues du vizir Lal-Sing. Bien plus, Sheik-Imam-Oud-Din offrait de se rendre immédiatement au chargé d’affaires britannique sur la simple garantie que, s’il parvenait à prouver l’exactitude de ses révélations, il serait protégé dans sa personne et ses propriétés contre le ressentiment de la régence de Lahore. L’agent anglais n’hésita pas à promettre, au nom de son gouvernement, une enquête approfondie et impartiale. » Conformément à cette promesse, aussitôt après la pacification du Cachemire, une enquête fut ordonnée, et un comité d’instruction se réunit sous la présidence de M. Currie, secrétaire du gouverneur-général. Les membres qui le composaient, savoir le général Littler et les colonels Lawrence et Goldie, furent convoqués, le 3 décembre, dans la tente de M. Currie, en séance publique ; tous les ministres et les principaux chefs sikhs étaient présens. L’accusateur Sheik-Imam-Oud-Din et l’accusé Lal-Sing comparurent devant la cour. Le premier produisit trois lettres, toutes trois du vizir, et l’une d’elles reconnue par celui-ci, l’engageant à tenir bon contre Goulab-Sing, afin d’empêcher aussi long-temps que possible l’annexion du Cachemire à l’état de Jamon. La culpabilité du vizir était manifeste ; pas une voix ne s’éleva en faveur de Lal-Sing, et sa sentence fut rendue à l’unanimité. Les autres membres du derbar furent acquittés de toute participation au crime du vizir, mais on leur signifia que le gouvernement anglais ne pouvait plus reconnaître Lal-Sing comme ministre, ni conserver la moindre relation avec l’administration dont il avait été le chef. Du reste, les Sikhs étaient parfaitement libres de se donner tout autre gouvernement qu’ils jugeraient convenable. Après quelques hésitations, une combinaison provisoire fut résolue et acceptée séance tenante. On y fit entrer les trois principaux chefs de l’ancienne cour de Rendjit : savoir Tij-Sing, Dina-Nath et Sheik-Nour-Oud-Din. Par un heureux hasard, ce choix, le seul possible eu égard à la sagesse et à l’habileté éprouvées des trois chefs, était aussi celui qui servait le mieux les intérêts de l’Angleterre. Ces fonctionnaires, qui avaient vieilli au milieu des tempêtes politiques, devaient porter dans la pratique du pouvoir ce découragement, cette timidité, qui marquent trop souvent le déclin d’une longue carrière. Leur premier acte fut de déposer le vizir et de le livrer à l’agent britannique pour être déporté dans les provinces anglaises.

Lal-Sing avait pourtant un parti assez nombreux dans la ville et à la cour, cinq à six mille soldats réguliers, et la protection de la régente. Il semblerait qu’on eût dû s’attendre à quelque résistance, peut-être même à un conflit, quand il s’agirait de prendre possession de sa personne ; mais telle est en Asie la prostration d’un parti vaincu, que le chargé d’affaires anglais ne craignit pas d’assigner à Lal-Sing pour prison le, propre palais du vizir, et que le lieutenant Ed-