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Zollverein ; il y a là question internationale, question politique : elle n’en connaîtra point, sous ce beau prétexte que les tarifs protecteurs ne touchent pas directement aux écus des particuliers.

La nouvelle constitution prussienne n’est donc pas l’idéal définitif de l’Allemagne libérale, il s’en faut même qu’elle soit parfaite au point de vue du savant rigorisme de l’école historique : elle admet une chambre des pairs, elle n’admet pas un ordre du clergé. L’ordre des princes, comtes et seigneurs siége à part, une fois les lois de finances votées, et joue dans ce congrès, calqué d’aussi près que possible sur les diètes du moyen-âge, le rôle très moderne, d’une chambre haute d’un pouvoir modérateur. Les ministres des cultes n’arriveront à l’assemblée que si le vote de leurs concitoyens les y porte, et il n’y aura pas de banc des évêques, si ce n’est que les représentans des fondations ecclésiastiques seront naturellement appelés, comme seigneurs terriens, à prendre place au milieu de l’ordre équestre. Ces infractions à la fidélité pittoresque de la couleur locale nous blessent, à vrai dire, médiocrement ; nous prévoyons que la nécessité qui les a introduites dans une œuvre si correcte en introduira bien d’autres. On ne fuit pas la loi du présent, et elle vous poursuit toujours. Nous craignons qu’il n’arrive assez tôt de cette constitution nouvelle ce qu’il arrive presque toujours des chartes octroyées : d’un côté un bienfaiteur qui se croit méconnu, de l’autre des ingrats sans le savoir. On peut, du reste, de très bonne foi s’accuser ainsi des deux parts et n’avoir tort d’aucun côté : le roi Frédéric-Guillaume prise naturellement son invention plus que personne, et ses sujets auraient peut-être mieux aimé la charte de Bade ou celle de Wurtemberg que les ordonnances du 3 février. Nous comprenons cette préférence, et, même en face de ce progrès plus ou moins décidé de la Prusse, nous n’oublions pas que nos vrais alliés en Allemagne sont ces états secondaires, habitués depuis vingt-cinq ans à vivre de notre vie politique. Fût-elle interprétée par le cénacle de Francfort, nous aimons mieux une charte constitutionnelle qu’une charte historique.

La puissance anglaise vient de faire dans l’Inde un nouveau pas, un pas immense, et la carrière de sir Henry (aujourd’hui lord) Hardinge paraît destinée à finir aussi glorieusement qu’elle avait commencé. Ce sage administrateur a prouvé une fois de plus que la civilisation n’a besoin, pour l’emporter sur la barbarie, ni de la violence ni de la fraude. Elle n’a qu’à attendre, le temps combat pour elle. Le riche et beau pays que lord Henry Hardinge n’aurait pu conquérir, il y a un an, sans répandre des flots de sang, sans demander à sa patrie d’immenses sacrifices, vient de tomber à ses pieds, comme le fruit mûr tombe de l’arbre. Les populations du Penjaub, fatiguées, affamées d’ordre, de bien-être et de paix, se sont données à lui de leur propre mouvement. Quelques jours ont suffi pour consolider l’œuvre des Clive et des Wellesley, pour replacer sur une base plus large et plus durable l’édifice de la puissance anglaise, un moment ébranlé par les erreurs de lord Auckland et les folies de lord Ellenborough. La cause qui a déterminé un changement si complet dans la situation du Penjaub a été une nouvelle intrigue de la cour de Lahore. « Sheik-Imam-Oud-Din, dit lord Hardinge dans une proclamation datée du 22 décembre 1846, l’officier chargé de l’administration du Cachemire pour le compte du gouvernement de Lahore, s’était opposé avec une armée à l’occupation de cette province par le