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dire aux obsessions du Foreign-Office. Il est naturel que le prince qui n’entend pas démordre de l’école historique et du teutonisme, même lorsqu’il subit l’influence des idées modernes, ait voulu se séparer de la France au lendemain du jour où il proclamait ce que l’Europe persiste à nommer une constitution. Quoique la Russie et l’Autriche n’aient pas de telles velléités de libéralisme à expier, on peut craindre qu’elles ne suivent un tel exemple. Sans anticiper sur l’avenir, il est permis de dire que le passé justifie toutes les inquiétudes à cet égard, et nous ajouterons que l’alliance de l’Angleterre est d’un si haut intérêt pour les trois cours, qu’elles n’estimeront jamais la payer un trop grand prix. Aussi espérons-nous davantage du sens droit de l’Angleterre que des résistances de l’Europe, et comptons-nous plus sur le discrédit qui peut atteindre au sein de son propre pays un ministre inquiet et remuant que sur les refus persévérans des trois cours de se joindre à la Grande-Bretagne. Séparer en toute occasion l’Angleterre de la France est l’axiome de la politique du Nord ; c’est pour cela que, dans l’alliance anglo-française, l’un des cabinets a cet immense avantage, de pouvoir rompre impunément les bons rapports, tandis que l’autre ne saurait le faire sans péril. C’est là ce qui donne au cabinet anglais des allures si confiantes et parfois si hautaines. Il sait trop qu’il aura un point d’appui contre la France toutes les fois que les intérêts politiques du royaume-uni viendront à différer d’avec les siens. Or, si ce désaccord est constaté de nos jours relativement aux affaires d’Espagne, d’Afrique, de Grèce et de Syrie, qui sont les plus grandes questions du moment, il est assurément fort à craindre qu’il ne se maintienne également dans l’avenir, à raison des tendances parallèles affectées par les deux pays dans leurs développemens respectifs.

La France aspire, comme sa grande rivale, à devenir puissance maritime ; le vœu des pouvoirs législatifs a fini par prévaloir sur ce point, et c’est avec une joie qui ne sera certes pas partagée à Londres que la nation tout entière a accueilli la solennelle déclaration émanée de M. Guizot relativement à l’équilibre des forces navales dans la mer redevenue la grande route du monde. La Providence nous a envoyé en Afrique un vaste empire à fonder, et le flot de la Méditerranée baigne des deux côtés des rives à jamais françaises. De plus, durant cette longue période de paix, la nation a dû appliquer à l’industrie le génie et l’ardeur qu’elle avait si long-temps consacrés à la guerre. Elle a donc entrepris deux choses auxquelles elle tient avec obstination, et qu’aucun gouvernement ne saurait l’empêcher de réaliser sans y jouer son existence : la première de s’assurer le bénéfice de son marché national, la deuxième de faire, pour certains produits du travail français, concurrence à l’industrie britannique sur les marchés étrangers or, cette double tentative, quelque légitime qu’elle soit, est une double