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son alliée de la veille accepter une autre alliance toujours offerte avec bonheur par le continent, attentif à épier le désaccord des deux grandes nations constitutionnelles.

C’est ici que se révèle l’infirmité de la combinaison sur laquelle a pivoté depuis la révolution de 1830 toute notre politique extérieure. Dans l’alliance anglo-française, les deux situations ne sont malheureusement point égales ; car, tandis que la France ne peut se séparer de son alliée sans se rejeter dans l’isolement, celle-ci, en se séparant d’elle, trouve l’Europe toujours prête à l’accueillir, toujours empressée à provoquer une rupture. L’Angleterre a contre nous une alliance de rechange, tandis que nous n’en avons point contre elle. Un désaccord s’élève-t-il entre la Grande-Bretagne et la France de 1830, la première peut avec confiance en appeler à l’Europe de 1815, certaine de trouver les cours du Nord toujours disposées à renouer la vieille alliance.

Les preuves abondent, et je ne sais guère d’année qui n’en apporte de nouvelles. Lorsqu’en 1840 lord Palmerston et M. de Brunow négocièrent le traité du 15 juillet, l’Autriche et la Prusse n’hésitèrent pas à l’accepter : quoique la première de ces puissances eût donné son adhésion publique aux vues de la France dans les affaires de Syrie, elle entra avec empressement dans un accord dont elle avait prévu les déplorables conséquences relativement à la question spéciale à propos de laquelle il s’était formé. Quand, en 1845, sir Robert Peel, sortant un jour de son caractère et de sa modération habituelle, fit entendre de menaçantes paroles et songea à renvoyer à son poste, sur un vaisseau de guerre, un agent brouillon et compromis, il avait présente à la pensée, croyons-le bien, cette situation de l’Angleterre qui lui assure des alliés dans toutes ses entreprises et jusque dans toutes ses colères, et son excellent esprit fléchit un moment sous cette tentation perpétuelle. Si aujourd’hui la ligue européenne ne s’est pas reformée à la voix de lord Palmerston à l’occasion des mariages espagnols, cette réserve peu habituelle s’explique par trois motifs : l’attitude, ferme et prudente du cabinet français, l’antipathie personnelle qu’inspire le noble lord à l’Europe et dont M. Thiers est venu témoigner, enfin la perpétration de l’attentat de Cracovie, quia été pour les trois cours le produit net de la rupture survenue entre les deux gouvernemens constitutionnels. M. le ministre des affaires étrangères a déclaré d’ailleurs avec une habile franchise qu’il était loin de croire lord Palmerston découragé par l’attitude des cours du Nord dans la question espagnole et par la fin de non-recevoir qui lui a d’abord été opposée. A chaque phase de cette question, des tentatives seront infailliblement reprises, et nous voudrions pouvoir espérer avec lui qu’il suffira de tenir une conduite prudente pour les faire avorter. Déjà même, si l’on en croit des bruits qui paraissent fondés, un cabinet aurait cédé aux efforts, pour ne pas