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propre au rôle d’intermédiaire que les événemens lui ont départi entre la France de 1830 et l’Europe coalisée de 1815. Par l’analogie des institutions et le principe d’une royauté consentie, elle tient à la France et sympathise avec elle ; par la puissance de ses intérêts et celle de ses souvenirs, elle verse vers les cours continentales, dont ses subsides ont, durant un quart de siècle, soudoyé les armées. S’il y a deux tribunes sur les bords de la Tamise comme sur ceux de la Seine, les triomphes de la coalition contre la France sont célébrés à Londres avec non moins d’enthousiasme qu’à Berlin, et le culte théorique qu’on professe à Westminster pour les droits et les libertés des peuples n’empêche pas d’y rappeler avec orgueil et à tout propos le souvenir des actes de Vienne, négociés sous l’influence prédominante de l’Angleterre, et par suite desquels cette puissance a complété sa prise de possession du monde maritime.

Ainsi, s’appuyant tour à tour sur le continent et sur la France, offrant pour gage à l’une ses inclinations libérales, tandis qu’il se trouvait associé avec l’autre par la solidarité des avantages conquis et des périls courus en commun, le cabinet britannique a joué, depuis seize ans, le premier rôle dans les affaires européennes et a été maître de la paix du monde. Il a proclamé l’alliance avec la France, vers laquelle l’entraîna le cours de l’opinion publique après le mouvement de juillet, et il a été sincèrement dévoué à cette combinaison toutes les fois que les intérêts de son pays ne se sont pas trouvés en désaccord avec ses sympathies politiques : lorsque ce désaccord s’est produit, celles-ci ont été sacrifiées sans hésiter, selon l’esprit invariable d’un peuple qui croit à la patrie avant de croire à l’humanité.

Tant qu’il s’est agi de patroner en Europe la dynastie sortie, comme la maison de Hanovre, de la volonté populaire, le loyal concours de la Grande-Bretagne n’a pas manqué. Il n’a pas fait défaut lorsque la France, demeurée maîtresse d’elle-même au milieu de l’effervescence révolutionnaire, acceptait les traités de 1815, refusait la Belgique et contemplait avec une douloureuse résignation l’agonie de la Pologne et les agitations de l’Italie. On a pu s’entendre également en 1834 pour régler en commun les affaires de la Péninsule, parce que là où la France ne poursuivait que le triomphe des idées libérales, la Grande-Bretagne profitait de la chance redoutable ouverte par l’abolition de la succession masculine ; mais, lorsque la France s’est proposé, soit d’appuyer en Grèce un gouvernement libre, soit de concilier en Espagne le traité de la quadruple alliance avec le maintien de l’œuvre de Louis XIV, soit de protéger en Syrie les malheureuses victimes que l’imprévoyance de l’Europe a livrées à leurs bourreaux ; lorsqu’elle a eu l’innocente fantaisie d’aller promener son drapeau dans les solitaires profondeurs de l’Océan Pacifique, l’appui de l’Angleterre s’est aussitôt retiré, et la France a vu