Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/750

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

difficultés qu’elle pourra nous susciter ; enfin l’on peut compter qu’elle ne deviendra pas une cause de rupture, du moment où l’on nous saura irrévocablement décidés à en aborder toutes les chances, car l’Angleterre ne déviera pas en Europe de la politique qui lui a fait accepter au-delà des mers l’annexion du Texas, et lui donnera la résignation nécessaire pour subir un jour celle de la Californie. Quant aux complications récentes que les situations personnelles ont ajoutées aux difficultés, la presse française me paraît s’en exagérer singulièrement la portée. L’Angleterre ne fera pas pour une question d’hommes ce qu’elle n’entend pas faire pour une question de choses. Il n’est personne d’assez solidement établi à Londres dans les conseils de la couronne et de la nation pour faire dévier, au gré de ses susceptibilités, la politique de son pays du cours nécessaire qui lui est en ce moment tracé par l’attitude des États-Unis et par la situation de l’Irlande. La Grande-Bretagne ne fait pas plus une politique de colère qu’une politique d’enthousiasme, et si, comme il faut s’y attendre, elle cherche quelque part une revanche, ce sera beaucoup plus pour son profit politique que pour la satisfaction personnelle d’un ministre.

Dans l’affaire de Cracovie, les devoirs de la France n’étaient pas moins impérieusement tracés, et elle les a remplis dans la mesure imposée par la prudence. L’une des dispositions les plus formelles de l’acte de Vienne a été insolemment enfreinte, et cette insigne violation du traité qui régit l’état territorial de l’Europe a été aggravée par un commentaire qui, s’il était accepté, ne laisserait pas debout un seul article des conventions de 1815. Le gouvernement français a signalé la violation de la foi jurée ; il a pris des réserves à valoir pour l’avenir ; la chambre, répétant les paroles même de M. le ministre des affaires étrangères, a déclaré qu’aucune puissance ne pouvait enfreindre les traités « sans en affranchir en même temps les autres. »

Un débat des plus regrettables s’est engagé sur ce paragraphe, qu’une rédaction différente aurait utilement remplacé. M. Barrot s’est attaché à prouver que toutes les dispositions d’une convention diplomatique sont indivisibles, et, s’il n’avait dit que cela, il aurait proclamé un principe incontestable. Lorsqu’une partie s’est affranchie d’une clause écrite, quelque minime qu’en soit d’ailleurs l’importance, l’autre partie rentre ipso facto dans son entière indépendance, sauf à n’en faire usage qu’avec opportunité et selon la mesure de son propre intérêt. Ceci est rigoureusement vrai en droit abstrait, parce que les nations, n’ayant pas de supérieur commun pour arbitrer leurs différends, n’ont d’autre moyen de contraindre à réparer la violation d’un pacte que de rentrer l’une envers l’autre, afin d’obtenir cette réparation, dans l’état de nature, c’est-à-dire de déclarer la guerre ; mais obliger un cabinet à dire une telle chose en face du monde, lorsque d’un consentement