Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
REVUE DES DEUX MONDES.

deux canots étaient particulièrement chargés de couper le câble et les amarres des navires qu’on allait attaquer. Ces canots, munis d’une corde terminée par un croc qu’on pût jeter à bord du navire ennemi, ne devaient point songer à l’assaillir, mais s’occuper de le prendre à la remorque et de l’entraîner au large. Les autres embarcations se chargeaient de combattre et de réduire les bâtimens ainsi entraînés hors de la ligne. Chacune d’elles d’ailleurs avait reçu une hache bien affilée, une mèche, une chemise soufrée ou toute autre composition incendiaire, et se trouvait par conséquent en mesure d’enlever ou de brûler le navire qu’elle aborderait. Les matelots étaient armés de piques, de sabres et de haches ; les soldats de marine, de leurs fusils et de leurs baïonnettes. Nelson avait voulu, dans cette occasion comme à Ténériffe, que les canots de chaque division se donnassent mutuellement la remorque, afin d’arriver en force suffisante sur l’ennemi.

À dix heures et demie du soir, les embarcations reçurent leurs équipages, et à onze heures, au moment où la frégate la Méduse, que montait Nelson, montra six fanaux à la hauteur de sa batterie, elles poussèrent au large et vinrent se former, dans un ordre arrêté à l’avance, sur l’arrière de la Méduse. De là, à un signal convenu, elles partirent toutes ensemble et se dirigèrent par des routes divergentes vers la plage de Boulogne. Le mot d’ordre était Nelson ; le mot de ralliement Bronte. La première division, que commandait le capitaine Somerville, chargée d’attaquer l’aile droite de la flottille, se trouva, en approchant de terre, entraînée par la marée dans l’est de la baie de-Boulogne. Les capitaines Parker et Cotgrave ne rencontrèrent point le même obstacle ; ils avaient, en partant, gouverné directement sur l’entrée du port, et à minuit et demi ils assaillirent le centre de notre ligne. Parker, à la tête d’une partie de sa division, aborda le brick l’Etna, qui portait le guidon de commandement du brave capitaine Pevrieux ; mais les filets d’abordage qui entouraient ce brick opposèrent une barrière insurmontable aux Anglais. 200 soldats d’infanterie réunis à nos matelots les reçurent par un feu nourri de mousqueterie et les rejetèrent dans leurs canots à coups de baïonnette. Parker lui-même fut blessé grièvement à la cuisse, et eût été pris sans le dévouement d’un de ses midshipmen. D’autres canots de sa division avaient essayé d’enlever le brick le Volcan, et avaient été également repoussés. L’attaque dirigée par le capitaine Cotgrave n’avait point eu un meilleur succès, et ces deux premières divisions étaient en pleine retraite quand le capitaine Somerville atteignit le port. Ce brave officier ne se laissa point émouvoir par la défaite de ses compagnons : il se jeta sur notre aile droite et se croyait déjà maître d’un de nos bricks, quand une fusillade très vive, partie des navires environnans, l’obligea à se retirer précipitamment. Il gagna le large après avoir essuyé des pertes considérables. La quatrième divi-