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réserve. Nous avons montré que c’était une imitation intempestive et malheureuse d’une opération familière à la banque d’Angleterre. La Banque de France ne doit jamais perdre de vue qu’elle est et sera long-temps encore un établissement d’escompte plutôt que de circulation. L’escompte mérite toute sa sollicitude, réclame ses plus grands efforts. Elle a cherché à affermir sa circulation qu’elle a crue ébranlée en sacrifiant l’escompte, elle a eu tort. Par là elle a causé déjà du dommage, et elle en occasionnerait beaucoup plus si elle ne s’empressait de changer de manœuvre. Elle empire les conditions de la production pendant qu’elle devait s’appliquer à les améliorer. Elle tourne le dos au but qu’il fallait atteindre.

A la vérité, on déclare que la Banque n’a pas diminué l’ensemble de ses avances au commerce : elle a en portefeuille autant et plus d’effets qu’auparavant ; mais alors qu’on nous dise, de grace, dans quel but on a élevé le taux de ces avances. Lorsqu’une banque rend l’escompte plus cher, c’est qu’elle veut avoir moins d’effets à escompter et moins de billets en circulation. Le taux de l’escompte étant plus élevé, les conditions de la production deviennent moins profitables, les particuliers font moins d’affaires, et d’eux-mêmes réduisent leurs demandes d’escompte à la Banque, ce qui dispense celle-ci d’exprimer des refus qui seraient pénibles pour tout le monde. Les escomptes étant moindres, l’émission des billets de banque diminue d’autant, puisque l’escompte est le troc d’un effet de commerce contre des billets de banque. Toutes les fois qu’une banque fait monter le taux de l’escompte, c’est qu’elle a pour but direct, ou de refroidir l’industrie qu’elle suppose trop excitée, et cette fois rien de pareil, ou de modérer sa propre émission qu’elle juge excessive, en se résignant à déprimer l’industrie. Dans l’un et l’autre cas, deux conséquences se produisent conjointement, le travail se resserre, la circulation se contracte. On a voulu l’un ou l’autre, on produit l’un et l’autre. C’est forcé, on ne peut avoir l’un sans ; l’autre. Si donc la Banque n’a pas diminué ses avances au commerce, elle n’a pas non plus diminué sa circulation ; mais, si elle consent à avoir la même circulation que devant, pourquoi donc a-t-elle haussé son escompte ? Si la circulation d’une quantité donnée de billets offre toute sécurité aujourd’hui, pourquoi a-t-on agi hier comme si aujourd’hui elle devait être périlleuse, et pourquoi persiste-t-on dans une mesure prise à l’effet de la restreindre ?

Par rapport à l’industrie, la présence de la même masse d’effets escomptés dans le portefeuille de la Banque prouverait seulement qu’il y avait des transactions commencées qu’on n’a pu interrompre, et pour lesquelles on a accepté l’escompte à tout prix ; si présentement il semble qu’il n’y ait rien de changé, sauf que la Banque reçoit 5 au lieu de 4 il n’en est pas moins vrai que la production a dû éprouver une atteinte