Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/710

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un pays qui a près de 3 milliards en pièces de 5 francs, n’a pu y trouver 25 millions ! Elle qui distribue le crédit à tout le monde, qui a pu prêter à l’état successivement 5 milliards, n’a pas su, par une opération de crédit à son profit, faire arriver dans ses caisses ce qui n’est qu’une parcelle du numéraire qui circule autour d’elle ! Elle a été obligée d’aller au dehors mettre ses rentes en gage au-dessous du cours ! C’est pénible pour la dignité d’une aussi grande institution. Elle si économe, de tous les moyens elle a pris celui qui était le plus dispendieux, le moins efficace, car, après trois mois révolus, il faudra rendre les 25 millions. La méprise est surprenante ; mais, encore une fois, ce n’est qu’une affaire d’intérieur. La Banque n’est aucunement ébranlée ; sa puissance envers l’industrie française reste la même, et c’est ce qui nous importe.

Comparons maintenant en termes plus précis les mesures adoptées par la Banque à ce qu’elle pouvait faire, à ce qu’on lui avait conseillé.

La Banque de France avait à se prémunir contre un manque d’espèces métalliques ; c’était sa seule préoccupation, puisque la situation commerciale était tout-à-fait rassurante. Le danger était que le rapport entre les écus que la Banque avait dans ses caisses et les billets en circulation fût bouleversé au point que les écus ne parussent plus répondre suffisamment au besoin journalier du remboursement des billets. Pour empêcher le mal, il y avait soit à augmenter la masse d’espèces que recélait la Banque, soit à diminuer celle des billets. La Banque, pour plus de sûreté, a jugé convenable de poursuivre l’un et l’autre objet distinctement. Pour avoir des espèces, elle a acheté à Londres des lingots et des piastres qu’on monnaie à Paris ; pour diminuer la quantité des billets en circulation, elle a élevé le taux de l’escompte.

Sur le premier de ces deux actes, en le prenant en lui-même, il n’y a donc rien à dire, si ce n’est que c’est un moyen coûteux de se procurer des espèces. La Banque l’a préféré à tout autre ; il n’y a lieu de l’en féliciter ni sous le rapport de l’économie, ni pour ce qui est de sa considération. Puis, au train dont allait l’exportation des espèces, 25 millions ne font qu’une maigre ressource ; quand on a vu s’écouler 172 millions en six mois, on peut n’être qu’à demi rassuré par un supplément de 25. Avec une émission de bons du trésor faite de concert avec le ministre des finances, aux frais de la Banque, on aurait atteint le même résultat à meilleur marché. On objecte que la négociation des bons du trésor ne fait rentrer ordinairement que des billets de banque et non pas des espèces. Le ministre des finances, qui a formulé cette objection à la tribune, sait pourtant mieux que personne qu’il ne faut pas conclure de ce qui arrive, quand on met en vente une petite quantité de bons du trésor, à ce qui aurait lieu, si l’on en émettait dans un bref délai 40 ou 50 millions. Ensuite, avec une circulation aussi restreinte que l’est celle