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récoltes de coton, avec les mêmes transports que si l’Europe, quadruplant tout à coup sa demande, allait faire monter les prix à l’infini. C’est ainsi que s’étaient formées de grandes fortunes fantastiques et que s’étaient introduits dans celles qui existaient déjà des élémens imaginaires. Les Américains, en 1837, récoltaient donc selon qu’ils avaient semé en 1835 et 1836. Les banques, en exagérant leur circulation, en accordant fort légèrement des avances, avaient donné à l’agiotage un stimulant, pendant que leur devoir eût été de le réprimer, car c’eût été le cas alors d’élever le taux de l’escompte pour contenir cet agiotage effréné ; mais, si les banques suivirent le torrent, du moins elles ne lui avaient pas ouvert l’issue : c’est le public lui-même qui avait rompu toutes les digues. On aurait joué et on se serait ruiné sans elles. Les Américains accusaient les banques pour n’être pas accusés eux-mêmes, à peu près avec autant de justesse que si, chez nous, on s’en prenait aux murailles de la Bourse, lorsque l’agiotage a fait des victimes. Si d’excessives émissions de billets de banque ont signalé les désastres commerciaux de l’Amérique et les ont rendus plus rudes, il n’en est pas moins vrai que l’Amérique est encore de tous les pays du monde celui qui témoigne le plus hautement en faveur de la faculté de circulation qu’on donne aux banques, et c’est elle que les partisans des banques, considérées comme agens de circulation, peuvent citer presque du ton victorieux de Scipion montant au Capitole, alors qu’on l’accusait ; car la civilisation américaine est née du crédit se manifestant sous la forme de banques de circulation. Sans le crédit et sans les billets de banque, ces villes industrieuses, qui naissent de tous côtés par enchantement, ces riches états à la vaste culture, que l’on rencontre loin de l’Atlantique, sur l’autre versant des monts Alleghanys, le long de l’Ohio, du Mississipi, du Missouri, ne seraient encore que des endroits déserts, des forêts sauvages ou des marais, asile de l’Indien, de l’alligator et de la panthère. Ce qu’on peut réprouver en Amérique, à propos des billets de banque, c’est l’organisation actuelle de la circulation, qui reste à la merci d’un millier d’institutions indépendantes les unes des autres, qu’on ne peut surveiller. Il est évident que la critique de M. Gallatin s’adresse à ce régime, et qu’il n’a pas entendu l’appliquer aux institutions de crédit mieux ordonnées de l’Europe.

Quoique les banques soient principalement des établissemens commerciaux, ce sont aussi des institutions publiques dont les gouvernemens attendent des services ; même à titre d’établissemens commerciaux, elles ont des rapports nécessaires avec l’état. On le conçoit sans peine, rien que par les attributions de circulation dont les banques sont investies. En cela, elles partagent, on ne saurait trop le répéter, un des premiers attributs de la puissance publique. L’autorité doit donc être en rapport intime avec la Banque, afin de s’entendre avec elle